Jean BOUILLY  (1924-2001)  FNFL                    Marine de Guerre et Commandos

Aviso Arras, corvette Roselys                                          1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos          Badge n° 176

Notice révisée le 20 décembre 2021. Nos remerciements à Marie-France  Baffert et Christine, filles de Jean Bouilly , ainsi qu'à Isabelle Duhamel et David Portier

Crédit photo : Marie-France Baffert

 

Né le 15 août 1924 au Hâvre, Jean Julien BOUILLY est le benjamin d’une fratrie de 5 enfants.

Il passe son enfance au Hâvre où son père navigue, et sa mère tient une pension pour marins.

Ils ont habité à différentes adresses (22, rue de l’Eglise, rue Robert Surcouf, rue Frédéric Bellanger, quai de l’île, et enfin 18, rue Anfray)... Dans sa jeunesse, il fait partie des scouts puis commence à naviguer.

1940-1941 : son engagement à 16 ans

 

Peu avant ou après l’appel du 18 juin 1940, il part en cachette de sa famille dans l’idée de rejoindre l’Angleterre : il n’a pas encore 16 ans... 

 

Ce dont on peut être sûr au regard des documents et des dates : 

- Son départ du Hâvre en juin ou juillet 1940 (« c’était avant son 16ème anniversaire » : confirmé par ses soeurs interrogées après le décès de Jean Bouilly)

- Son embarquement et son départ de Marseille le 2 janvier 1941.

Le compte-rendu d'interrogatoire établi par  l'Etat-Major des FFL à son arrivée à Londres le 19 juin 1941, relate la suite de son parcours :

 

" A quitté Marseille  au mois de janvier 1941 sur le PLM 13 à destination de Dakar. Environ 3 jours avant d'atteindre Dakar, le PLM 13 a été arraisonné par un bateau anglais. A été dirigé sur Gibraltar vers fin février 1941. Est resté à Gibraltar trois mois. A quitté ce port à destination de la Grande-Bretagne. Arrivé à Cardiff le 3 juin 1941. Patriotic School. Interrogé par les autorités britanniques. Arrivé au dépôt (de Barnes) le 12 juin 1941".

 

Sont également consignées dans ce compte-rendu les observations  de Jean Bouilly au cours de son séjour à Marseille :

 

 " Tout le monde à Marseille était extrêmement pro-anglais, au point que, lorsque les marins français rapatriés de Liverpool arrivèrent, ils furent très mal reçus. Dans les boutiques et les cafés, on refusait même de les servir. Par la suite, plusieurs se sont rembarqués dans l'espoir que ces bateaux seraient arraisonnés par la flotte britannique. L'informateur signale qu'il n'a presque jamais entendu parler politique autour de lui, et que la seule chose qui préoccupait les gens étaient l'Angleterre et le général de Gaulle. Dans les boutiques et les cafés on entendait la radio anglaise partout et beaucoup de patrons fermaient leur porte pour qu'eux et leurs clients puissent mieux écouter la  B.B.C".

 

- Jean BOUILLY signe son engagement dans les FFL le 19 juin 1941 : il n’a pas 17 ans quand il s’engage dans les Forces Navales Françaises Libres ! 

 

 

Crédit photo : Marie-France Baffert

Engagé le 19 juin, Jean Bouilly est incorporé le 21 et passe quelques jours sur l’aviso Arras.

 

A partir de juillet 1940, il entre au centre de formation et d’entraînement « H.M.S. Royal Arthur » de Skegness où il suit les cours de l’école de fusiliers marins du 25 juillet au 19 décembre 1941. Puis il revient sur l’Arras du 20 au 30 décembre avant d’être affecté sur la corvette La Roselys à compter du 31 décembre 1941.

La Roselys dans la Bataille de l'Atlantique

 

Du 31 décembre 41 au 20 août 1942, Jean BOUILLY navigue sur la corvette La Roselys, achevée en septembre 1941 qui sera commandée jusqu’en septembre 1943 par le Lieutenant de vaisseau BERGERET.

La corvette escorte les convois de l’Atlantique Nord, sauf entre le 16 mai et le 7 Juillet 1942, période pendant laquelle le bâtiment, détaché aux ordres de la Home Fleet,  participe aux escortes de convois entre l’Islande et Mourmansk.

 

Capitaine de Corvette Bergeret : "Au point de vue militaire : très bon bâtiment de veille sous-marine, excellent bâtiment de veille de surface et excellent chasseur de sous-marin en plongée grâce à ses facilités d’évolution ». En revanche, il présente un « handicap pour la chasse de surface par une vitesse maxima nettement inférieure à celle des sous-marins ennemis et n’a pas de D.C.A. éloignée ».

Jean BOUILLY va vivre les grands événements qui marquèrent l’histoire de La Roselys :

 

il reçoit tout d’abord  le baptême du feu le 26 Janvier 1942 lorsque, en mission d’escorte entre le Royaume-Uni et l’Islande (octobre 1941- février 1942), la Roselys est attaquée par des sous-marins ennemis. Elle éperonne un U-Boot venu en surface et lui cause de sérieux dégâts. La corvette est alors citée à l’ordre des F.F.L. du 5 Février 1942.

Les convois de Mourmansk (Mai-Juillet 1942)

 

"La grande épreuve des convois de Russie" a écrit l'amiral Flohic

A la demande du général de Gaulle, en mai 1942, la Roselys est détachée pour effectuer l'escorte des convois de Mourmansk, destinés au ravitaillement des Soviétiques. Ces convois et leurs escortes sont obligés de se tenir entre la banquise et la côte nord de la Norvège occupée par les Allemands. Ils sont constamment exposés aux coups des sous-marins et des navires de surface et des avions ennemis. A ces dangers s'ajoutent ceux qui tiennent à une nature hostile : froid intense, coups de vent soufflant en tempête, brumes épaisses ou au contraire clarté continuelle, incertitude des indications fournies par les compas magnétiques en raison de la proximité des pôles.

 

"La vie était physiquement difficile pour tous, à la limite du supportable..." écrit l'Amiral Flohic (3)

Du 16 au 30 mai 1942, La ROSELYS escorte le convoi PQ 16 de 34 bâtiments chargés d'armes et de produits pétroliers qui fait route du nord de l’Islande vers MOURMANSK, à travers l’océan glacial arctique. Le convoi échappe à une attaque des cuirassés de poche de la Kriegsmarine, basés à Narvik (Norvège), mais doit faire face à plusieurs attaques d’Heinkel 111 opérant à partir des aérodromes de Norvège et de Finlande. Pendant 6 jours et jusqu'à leur arrivée à Mourmansk, le convoi et son escorte sont attaqués jour et nuit par des vagues successives d'avions. Le 27 mai, la Roselys se porte au secours d'un cargo soviétique en feu, le Stari Bolchevik, chargé d'essence et de munitions. Sous un énorme parapluie involontaire de fumée noire, au risque de sauter d'une minute à l'autre, il continue à faire route à 8 nœuds. La Roselys réussit à s'en approcher à quelques mètres et à lui passer ses manches à incendie. Ce n'est qu'au bout de deux heures, alors que les bombes pleuvent de part et d'autre, que les Russes signalent qu'ils ont enfin maîtrisé l'incendie. Autour d'eux les navires sautent : un cargo bourré d'explosifs reçoit une bombe de plein fouet : une immense flamme monte jusqu'au ciel puis plus rien. Pas d'épaves, pas de survivants qui surnagent. Là où 5 secondes avant, il y avait un bateau et des hommes, il n'y a plus que le néant. Le convoi aura perdu 8 bâtiments sur 35. 

Du 27 juin au 6 juillet 1942, après un mois passé à Mourmansk, la Roselys reprend le chemin de REYJKAVIK.  Elle fait alors partie de l’escorte du  PQ 13, constitué d'une trentaine de cargos.

Le retour sera pire que l’aller   : au soir du 5 juillet 1942, entre l’île Jean Mayen et les côtes d’Islande, le convoi entre par erreur dans un champ de mines défensives ; le chef d'escorte et 5 navires marchands sautent... La Roselys entreprend immédiatement les opérations de sauvetage qui vont durer 5 heures au cours de cette nuit d’horreur... De nombreux survivants surnagent, mais l'état de la mer empêche d'affaler les embarcations. Il faut donc accoster directement les groupes de naufragés malgré les risques énormes que représente cette navette dans le champ de mines. Des filets destinés à grimper le long de la coque sont installés, mais les rescapés, à demi-asphyxiés par le mazout, sont incapables de saisir les bouts et de se hisser... 179 hommes, en majorité américains, de 5 navires différents, seront récupérés. 

Ce sauvetage vaudra au commandant de la Roselys, le lieutenant de vaisseau Bergeret, d'être le premier officier de marine allié à être décoré par les Américains de la Legion of Merit.

La corvette est de nouveau citée à l’Ordre des  F.N.F.L. pour ces derniers faits, le 20 novembre 1942 avec droit au port de la fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.

En outre Jean BOUILLY, de même que ses camarades de l’époque encore vivants, se verra décerner par l’U.R.S.S. la médaille des 40 ans de la Victoire dans la Grande Guerre 1941-1945, puis en 1995 la médaille des 50 ans.

Vers les Commandos

 

Jean BOUILLY quitte La Roselys le 20 août 1942, à l’époque du grand carénage de la corvette.

C’est sans doute à l’occasion de ce débarquement que Jean BOUILLY et 2 autres camarades de la Roselys ont été candidats pour le 1er Bataillon de Fusiliers Marins Commandos.

 

Le Jour J

 

Il est alors 8h du matin, les pertes sont déjà énormes : 3 morts et 26 blessés, parmi lesquels tous les officiers de la Troop 1. 

L’assaut doit être donné immédiatement : les commandos ont pour mission de neutraliser les batteries et points forts des Allemands en les prenant à revers. Laissant leurs sacs dans les ruines de la colonie de vacances, ils pénètrent alors dans les rues de Riva-Bella où des tireurs d’élite allemands camouflés dans les villas leur causent de nombreuses pertes.

A hauteur de la petite gare, chaque troupe se dirige vers son objectif respectif, laissant les Britanniques se rendre vers l’écluse.

La Troop 8 part vers le Wn 10 (un ensemble de fortifications très bien défendues, du côté des dunes), la Troop 1 et la section K Gun suivent la ligne de tramway pour atteindre le casino par l’arrière.

 

Guy Vourc’h ayant été blessé, Philippe Kieffer confie la Troop 1 au maître-principal Hubert Faure. Jean BOUILLY, l’ordonnance du capitaine Vourc’h, est à présent aux côtés de Faure. Ce dernier lui confie, ainsi qu’à René Goujon, des missions de liaison.

 

Hubert Faure - « L’ennemi continuant son tir d’interdiction sur ce … point de passage forcé, nous décidons de le contourner… par les jardins situés derrière les villas… presque toutes en flammes. Je m’engage dans un terrain sablonneux suivi de mon agent de liaison, le fidèle BOUILLY. Après quelques mètres, je réalise que les petits monticules de sable en quinconces, autour de nous, sont les indices certains de la mise en place récente d’un champ de mines. Je dis à Bouilly de faire demi-tour, en prenant bien soin de repasser dans nos traces de pas…» [1] 

 

Le 1er BFMC s’engage ensuite dans la bataille de Normandie, campagne qui allait durer plus de 80 jours. Elle est fort éprouvante pour les commandos qui se retrouvent face à une situation différente de celle pour laquelle ils sont entraînés : une guerre de position et de tranchées, où les périodes d’inactivité sont plus longues que les phases d’action.

 

Crédit photo : Marie-France Baffert

 

Du 29 juin au 26 juillet, les commandos s’installent devant Bréville où, le 10 juillet, l’amiral d’Argenlieu, commandant les Forces navales de Grande-Bretagne vient rendre visite aux Français.

 

Crédit photo : Musée des Fusiliers Marins

 

Cités à l’Ordre du Bâtiment avec attribution de la Croix de Guerre avec Etoile de bronze :

Les matelots Jean BOUILLY, Robert BOULANGER, Marcel RAULIN, et les quartiers-maîtres Henri LE CHAPONNIER et Georges ROPERT reçurent cette citation : « A montré un élan magnifique au moment de l'attaque du 6 juin 1944 et a fortement aidé à la réussite de la mission qui avait été confiée à sa section ».

 

A SUIVRE : LA CAMPAGNE DES PAYS-BAS

 

Crédit photo : Marie-France Baffert

Ressources

 

[1] Témoignage d’Hubert Faure in : Résistances- Chroniques de l’histoire 1939-1945. Pierre Cadroas, Ribérac, Les Presses de la Double, éd. 2005.

 

Archives S.H.D. collectées par Marie-France Baffert (TTC 136 - TTC 72 - TTC 77- TTY 630- TTC 631 )

 

Dossier GR 28 P 2 247 (compte-rendu d'interrogatoire établi par l'Etat-Major des FFL à Londres)

 

Dossier Résistant au SHD de Vincennes : cote GR 16 P 790 51

 

Page Biographique sur le site Ecole navale LIEN

 

Les corvettes de la France Libre dans la bataille de l’Atlantique par l’Amiral Chaline in : Revue de la France Libre n° 262, 2e trimestre 1988

 

L’histoire d’un sauvetage, par Maurice Giret, aspirant de Marine à bord de la Roselys in : Revue Cols Bleus n° 1396 du 8/08 et 15/08 92

 

"Ni Chagrin ni Pitié" Souvenirs d'un marin libre par François Flohic  aspirant de Marine à bord de la Roselys (Editions PLON) notes 1-2-3