LARUE Jean  (1924- 2014)   FAFL                       Evadé par l'Espagne                                          Goupe de bombardement Bretagne

Copyright Catherine et Denise Larue

Nos remerciements à Catherine Larue, qui a  établi la biographie de Jean LARUE, son père

Né le 22 Juin 1924 à Paris, André Jean Larue (se faisant appeler Jean Larue) s’intéresse dès son jeune âge aux valeurs patriotiques grâce au scoutisme et à l’école laïque.

 

L’Appel du Général de Gaulle le 18 juin 1940 le convainc d’entrer en résistance et avec 5 amis, il fomente déjà en octobre 1941 des coups maladroits contre les allemands. Contre la volonté de ses parents (qui finiront par accepter), il demande son émancipation [1] pour pouvoir être responsable de ses actes. Il entre en Zone libre en Avril 1942 sans même avoir 18 ans. 

[1] La majorité étant à 21 ans.

Son projet insensé en octobre 1941

Jean LARUE : « Nous étions six bons camarades, de milieux et d’affinités différentes mais nous partagions, la même hostilité les mêmes difficultés à supporter les obligations de l’occupation "chleu ».

Aiguillonnés par  des actes héroïques accomplis, par la résistance, de ci de là en France occupée. Nous avions, dans notre petit groupe, conçu un projet vers octobre 1941.

Notre projet, "tout simple", était de faire sauter la Kommandantur de Baclair (à côté de Bolbec), installée dans un hameau voisin.

L’armée allemande,  installait pour l'administration de chaque région, une Kommandantur. Cet organisme militaire et administratif était géré par des militaires, bien entendu, et des interprètes militaires et/ou civils, parmi eux des français.

Les rendez-vous, pour discuter et avancer dans ce projet, étaient transmis oralement [il n’existait pas d’autres moyens, à l’époque], échangés seulement si nous avions de nouvelles informations, sur ce dont, chacun  d’entre nous, devait s’occuper.

Nous nous réunissions, dans l’arrière-boutique d’un petit café, à l’angle de la rue Pasteur et de la ruelle Papavoine, à Bolbec. Le fils du propriétaire faisait partie de la bande.

Aucun rituel, de jour ni  d’horaires sauf les limites imposées; en principe entre 18 et 19h. ou 20 et 21h30, pour respecter l'heure du couvre-feu fixé à 22 h.        

Un soir de février 1942, je n’étais  pas rentré à la maison à 22h. Maman savait  où  j’étais, mais ignorait  ce que nous ‘’manigancions’’. N’étant pas rentré pour respecter  le couvre-feu, mon père avisé du lieu de ma position, "débarque"  devant le petit établissement où je me trouvais. Il était fermé.

Mon père  tambourine sur  la porte, on lui ouvre. Deux ou trois mots au propriétaire. Il m’enjoint de le suivre. La distance de 2 km environ,  pour regagner la maison, a été parcourue très, très  rapidement, sans qu’un seul mot ne soit échangé.

Le lendemain, l'explication était inévitable, j'ai été amené à expliquer franchement les raisons de mon retard, à savoir, entrer dans un groupe de résistants.

Arguments et oppositions- soutenus ou trouvés, de part et d’autre, au fil des jours suivants, sont allés bon train. L’inventaire épuisé, la raison reprenant son droit, j’ai proposé, alors aux parents de m’émanciper.

La majorité légale,  était  à l’époque,  fixée à 21 ans pour les garçons et 18 ans pour les filles. Je n’avais pas encore mes 18 ans ».

 

Il s’engage en Mai 1942 à Châteauroux dans l’armée de l’air, fait ses classes à Sainte Livrade (Villeneuve-sur-Lot) et  est affecté à Francazal, base de l’Armée de l’air de Toulouse. 

Réformé pour hypertension artérielle, il passe un mois à Limoges sous traitement médical et régime sec.

Il se fait réengager à Francazal en Septembre  1942. Suite à l’invasion de Toulouse par les Allemands, il décide de quitter cette zone maintenant occupée pour rejoindre les FFL .

Carte Catherine Larue - Copyright Catherine et Denise Larue

nota : erreur sur la localisation de St Jean d'Acre

 

Avant de franchir la frontière le 7 janvier 1943 à Ceret (P.O.), il change d’identité, et prend le nom emprunté de Jack Stempson.  Il est capturé sous cet alias le 8 Janvier 1943 à 2h du matin à Figueras (Espagne).

Incarcéré sous un état civil d’emprunt, il reste dans cette geôle espagnole jusqu’au 22 février 1943 dans des conditions épouvantables, et est transféré à la prison de Gerone jusqu’au 14 Mai 1943, aussi peu hospitalière, puis de nouveau transféré à Caldas de Malavella en résidence surveillée jusqu’au 14 Juillet 1943.

Il pèse 45 kg pour 1,76 m quand il en sort.

La prison de Figueras

L'internement à Figueras en Espagne

Jean LARUE : "Chaque achat  de nourriture, cigarette ou la vente d’objet était annoncé et le "fruit",  réparti dans le groupe. La séparation  des achats s’effectuait de façon rigoureuse complétée par tirage à "l'aveugle", de chacune des parts.

Ces opérations peuvent  paraître, infantiles, puériles, désuètes, mais la faim…..la FAIM, quand elle ne plus être satisfaite, génère des réactions insoupçonnables, c’est horrible et mesquin.

C’est la première quinzaine la plus difficile à supporter, après, tant bien que mal, l’organisme règle ses besoins avec plus ou moins d'efficacité... »

Il part le 15 Juillet de Caldas vers le Portugal et est embarqué à Setubal sur le navire Château-Pavie.

 

Il arrive à Casablanca le 18 Juillet  et s'engage dans les FAFL (FAFL 41420),  affecté temporairement à la CDP 209 le 21 Juillet  puis redirigé sur la CDP 201 à Blida jusqu’au 20 août 1943.

Ayant bénéficié es qualité d’évadé du choix du corps et de l’unité, il demande à rejoindre le groupe Bretagne stationné à Ben Gardanne en Tunisie.

Mais au moment de son passage au dépôt, le groupe Bretagne s’apprêtait à partir pour le Moyen Orient.

Il obtient alors un ordre de mission de la chefferie de la caserne VALLEE (Alger), QG des FFL lui permettant de rallier le groupe choisi.

Il part donc d’Alger le 21 août 1943 en direction du Moyen Orient via la Tripolitaine, pris en transit au Western-camp 35 de Tripoli.

Il arrive enfin via Le Caire à Beyrouth le 17 Septembre 1943 et est dirigé sur RAYACK. Affecté le 1er Janvier 1944 à l’Etat-Major de l’Air au Moyen Orient, il devient caporal le 1er Mars  et sergent, une année plus tard.

Jean Larue à gauche  - Copyright Catherine et Denise Larue

26 septembre 1943 - Jean Larue à droite  - Copyright Catherine et Denise Larue

Il effectue ses années de guerre basé au Liban comme mitrailleur dans les avions de l’escadrille BRETAGNE sous les ordres du commandant MORLAIX, et assure des missions aériennes de reconnaissance et de bombardement dans les territoires ennemis du Moyen Orient.

Il fut rapatrié sanitaire le 10 Octobre 1945 et affecté au CRAP 204 à compter de cette date.

CP : Ordre de la Libération

 

Il termine ses obligations militaires à Paris et est démobilisé officiellement le 13 janvier 1946.

 

Déchu de ses droits civiques pour « désertion» de l’armée de Pétain, il devra attendre plusieurs années pour la reconnaissance de ses faits et actes de résistance et donc la réhabilitation totale de ses droits en 1961 grâce à l’appui d’associations, notamment FFL, havraises.

 

Il sera décoré de la médaille commémorative des services volontaires de la France Libre, de la médaille des Evadés et enfin de la Médaille de la Résistance avec une lettre de félicitations du Général de Gaulle.

 

Il rentre à la SNCF en 1947, où il  effectuera  toute sa carrière. Il se marie en 1948 et aura une fille de cette union.

 

Il décède le 27 juillet 2014, un mois après ses 90 ans sans avoir tout à fait terminé ses récits de guerre. Il est inhumé au Havre.

 

Catherine Larue

Copyright Catherine et Denise Larue

Copyright Catherine et Denise Larue

Copyright Catherine et Denise Larue

Ressources

 

  • Dossier Résistant au SHD de Vincennes (non consulté) : GR 16 P  339907 (sous le prénom d'André Larue)

 

  • Mémoires de Jean Larue, archives familiales.

 

  • L'Odyssée France Libre du Havre présente plus de témoignages sur l'internement de Jean Larue dans les prisons espagnoles.