Claude RAOUL-DUVAL (1919-2018)                  Compagnon de la Libération

Forces Aériennes Françaises Libres                                    Groupe de Chasse  Alsace                                        Réseau Comète - Réseau Bourgogne

"Avec le décès de Claude Raoul-Duval, c’est une part de l’histoire de l’Armée de l’air française qui disparaît, c’est le souvenir de l’héroïsme venu du ciel qui s’éteint. Les honneurs funèbres militaires lui seront rendus mercredi 16  mai 2018 dans la cour d’honneur des Invalides".

Présidence de la République.

 

La Délégation de la Fondation de la France Libre du Havre assistera à cette cérémonie.

 

Claude RAOUL-DUVAL est né le 22 octobre 1919 à Paris d'un père négociant en import-export et d'une mère sculpteur

Il poursuit sa scolarité au Lycée de garçons (Lycée François 1er) de 1933 à 1938 (de la 3ème au bac maths).

 

Bachelier, il reçoit une formation militaire à l'Ecole de l'Air en 1939. En mars 1940, il est sous-lieutenant.

 

Refusant la défaite, il ne peut embarquer à Bordeaux sur le Massilia qui renonce finalement, en appareillant, à emmener les pilotes de l'Ecole de l'Air en Afrique du Nord.

 

Avec un camarade, Claude Raoul-Duval décide alors de gagner l'Angleterre et s'embarque au Verdon sur un bateau hollandais, le Nettie, qui atteint Falmouth le 22 juin 1940.

 

Affecté aux Forces Aériennes Françaises Libres en qualité de pilote, il suit une année d'entraînement dans les écoles de la Royal Air Force.

 

Volontaire pour le Moyen-Orient, il est affecté au Groupe de Chasse "Alsace" dès sa formation en septembre 1941.

 

Il prend part aux opérations en Libye au cours desquelles il accomplit brillamment 50 missions avec un matériel nettement inférieur à celui de l'ennemi.

 

Ciel de sable

 

Le pilote  assista à bord de son Hurricane, à l’attaque du convoi Vigorous : « Dans le port d’Alexandrie, un convoi, tous feux éteints, appareille pour tenter de ravitailler Malte. 45 bâtiments prennent la mer : dix cargos protégés par toute l’escadre d’Alexandrie. Malte, sans ravitaillement depuis mars, doit être approvisionnée à tout prix. A Fouka, alerte ! Ezanno, Leplang et moi courons vers nos appareils tout justes discernables à la lueur vacillante des lampes allumées par les mécaniciens. Les moteurs tournent. Dans le déchainement d’étincelles de mon moteur lancé à pleine puissance, je percute un univers noir, je crève une surface d’ébène. Je m’y enfonce toujours plus avant, me sépare de Fouka, de l’abri des tentes éclairées, de la présence des hommes…

Vingt-trois heures trente. Une somnolence me gagne. Je l’ai souvent remarqué : la décharge d’angoisse vide les accus et une sorte de lassitude la remplace. Je suis bien. Beaucoup trop bien. Des images agréables viennent s’inscrire sur les carreaux noirs de mon cockpit. Le Havre. Le Havre, un jour de Quatorze Juillet ! Des lampions multicolores dansent dans les rues ; je les vois distinctement à l’angle gauche de la verrière. Je ne vois qu’eux. Dès que je ferme les yeux ils disparaissent comme s’ils appartenaient au monde réel. Maintenant on tire un feu d’artifice ! Les fusées montent en traînées orange, jaunes ou rouges. Elles se croisent, se rejoignent… Quatorze Juillet au Havre ! Brutalement le sens de la réalité me transperce comme un coup de poignard : le convoi de Malte ! A quelques milles d’ici, c’est lui qui tire de tous ses canons. Le voilà, mon feu d’artifice du Havre !

Maintenant je distingue les flammes qui accompagnent le départ des coups, puis les longues trajectoires lumineuses. Sur qui les bateaux tirent-ils ? … Tout à coup, une explosion déchire la nuit. L’espace d’un éclair, la silhouette entière du torpilleur s’illumine. Une bombe ! … Les avions allemands sont là quelque part dans ce gouffre d’ombre qui m’entoure…

J’imagine la terreur des marins, cramponnés à leurs tourelles. Une vive lueur jaillit : la City of Calcutta est touchée et son avant flambe, cachant le corps du navire sous un nuage de fumée. Le navire incendié se désigne aux coups et deux torpilleurs s’approchent en hâte de lui pour essayer de le protéger. J’assiste impuissant à cette destruction... Inlassablement je tourne autour du convoi à l’altitude qui m’a été assignée. Les avions allemands sont des démons invisibles. On ne les sait présents que par leurs méfaits. Eux ne doivent pas savoir que je suis là puisque je ne détruis rien. Au cœur de ce combat, je suis absent…. Il ne me reste plus beaucoup d’essence, il faut rentrer… Aussitôt le ciel noir me reprend et m’emprisonne.

Le Hurricane nage dans les ténèbres… Adieu, marins que je ne connais pas, marins qui ne m’avez pas vu !"  [1] 

 

Il assiste à Fuka au passage des officiers échappés de Bir Hakeim le 11 Juin 1942 :

 

" C’est la guerre qui m’accueille sur la piste. Quelques officiers de la Première Brigade Française Libre, rescapés de Bir Hakeim parlent avec Pouliquen, Boizot et Ezanno. Ils sont les premiers arrivants des troupes qui se replient vers Alexandrie. Leurs joues mangées de barbe, leurs yeux cernés, leurs chemises poussiéreuses aux cols dégrafés, aux manches relevées à la va-vite jusqu’aux coudes, tout indique la précipitation des armées en retraite. L’un d’eux, le lieutenant de vaisseau Amyot d’Inville est loin d’être en forme, sous sa casquette de fusilier marin, pour le moins curieux en plein désert, il fait la grimace. Sa chemise largement ouverte montre une blessure qui lui barre la poitrine jusqu’à l’épaule droite. Ce n’est pas très joli à voir mais il prétend que le soleil vaut mieux que tous les pansements". (...)

Ciel de sable

"Un grand silence accueille le récit du capitaine de Sairigné. Nous sommes tous profondément émus, pénétrés de fierté patriotique et d’amour pour ces hommes qui viennent de manifester aux yeux de tous, à Bir Hakeim, que la France est toujours vivante. Moment de pure joie. Silencieux, nous nous sentons vivre et respirer ensemble, d’un même rythme, dans un bonheur fraternel.

Les quarts d’heure passent, les histoires se succèdent, nous ne nous décidons pas à nous séparer. Mais nos hôtes doivent partir. Nous les raccompagnons à leurs véhicules et leur serrons longuement la main. Sur le point de démarrer le capitaine Simon se retourne vers Brisdoux :

—  Au fait, le commandant Tulasne n’est pas avec vous ?

Brisdoux répond aussitôt :

—  Mon capitaine, le commandant Tulasne est parti pour la Russie...

J’appréhende un peu la fin de sa phrase mais il enchaîne, très simplement :

—  Pendant que vous résistiez aux Boches nous étions là à ne rien foutre, mon capitaine. Alors, le commandant Tulasne et quelques-uns de nos camarades ont cherché à se rendre utiles ailleurs...

Il ajoute, après un temps :

—  Vous ne pouvez pas savoir ce que cela a été pour nous d’être cloués ici sans pouvoir vous porter secours.

Simon sourit :

—  Ne vous inquiétez pas. Nous n’avons pas été abandonnés. Vos camarades de la R.A.F. ont fait des merveilles, détruisant jusqu’à 40 Stuka en un jour. D’ailleurs, conclut-il en désignant de la main l’ouest où des colonnes de poussière annoncent l’arrivée des convois en retraite — si vous n’avez pas eu l’occasion de nous secourir, vous allez avoir maintenant à nous protéger. Nous comptons sur vous". [1] 

 

De retour en Grande-Bretagne avec son unité qui s'installe en Ecosse début janvier 1943, il prend part aux combats sur le front occidental, notamment au-dessus de la France occupée. 

Une anecdote relative à son voyage retour vers l'Angleterre

Encadré et photographie :  Lettre d'information de l'Ordre de la Libération (novembre 2017)

Pistolet Herstal FN Browning de Claude Raoul-Duval

 

Le 17 avril 1943, il est abattu en combat aérien par la chasse ennemie au-dessus du Havre, en même temps que son camarade Philippe BERAUD.  Blessé par des éclats d'obus aux jambes, Claude RAOUL-DUVAL  parvient cependant à sauter en parachute et à se soustraire aux recherches.

Pendant six mois il participe activement à la Résistance, servant de convoyeur pour les réseaux Comète et Bourgogne, faisant évader plusieurs aviateurs alliés abattus.

 

Il revient lui-même en Grande-Bretagne en novembre 1943 grâce à une difficile évasion commencée en août 1943, qui l'oblige à traverser à pied les Pyrénées et une partie de l'Espagne, en ramenant avec lui deux équipages de forteresses volantes abattus.

 

Claude RAOUL-DUVAL : "Le 17 avril 1943, j'ai été abattu par un Messerschmitt, au-dessus de Triqueville, dans le marais Vernier. Mon parachute s'est accroché à un arbre, et pendant que les Allemands le regardaient, fascinés, je suis passé entre eux. J'ai été blessé aux deux jambes, j'ai encore des éclats aujourd'hui. Dans le bois du château de Tancarville, je suis tombé en bordure de forêt sur un vieil homme qui ramassait du bois. J'étais en pantalon bleu marine, pull-over blanc : " J'ai compris, t'en fais pas, ils t'auront pas, j'ai été prisonnier aux deux guerres. " Il m'a accompagné dans une ferme, m'a donné du calva. J'ai été traîné de ferme en ferme, personne ne voulait me garder, chaque fois, je buvais un peu de calva et j'ai fini ivre mort, dans le lit du type, à la place de sa femme. Grâce à la Résistance locale, je me suis retrouvé chez mon père, qui s'occupait d'un réseau d'évasion pour les parachutistes alliés. J'ai récupéré deux équipages américains de forteresses volantes et nous sommes partis en train puis à pied pour l'Espagne, d'où nous avons rejoint l'Angleterre. Là-bas, on me croyait mort. Quand je suis entré dans le mess, Romain Gary s'est précipité vers moi et m'a embrassé en pleurant."  [2] 

Réaffecté immédiatement au groupe "Alsace", il reprend le combat et prend part à toutes les opérations de l'année 1944 d'Angleterre d'abord, de France, Belgique et Hollande ensuite. Au cours de cette année, il effectue 76 missions offensives au-dessus du territoire ennemi.

 

Au total, le capitaine Raoul-Duval a accompli 160 missions, totalisant 220 heures de vol de guerre.

 

Rendu à la vie civile après la guerre, il devient employé de commerce avant de s'installer, de 1958 à 1962, au Congo en qualité de directeur technique de la société S.C.K.N.

 

A partir de 1962, il s'installe comme directeur régional des automobiles Berliet à Lagos au Nigeria. De 1964 à 1966, il est directeur général de Berliet Algérie à Alger, puis, de 1966 à 1969, directeur général de J.A. Goldschmidt do Brazil à Sao Paulo.

 

Claude Raoul-Duval travaille ensuite au département étranger du Crédit Lyonnais (1969-1978) puis comme représentant de la Banca Populare di Novera à Paris (1979-1995) avant de prendre sa retraite.

 

Claude RAOUL-DUVAL est décédé le 10 Mai 2018 à Saint-Mandé (94).

 

 

• Grand Officier de la Légion d'Honneur

• Compagnon de la Libération - décret du 16 octobre 1945

• Croix de Guerre 39/45 (3 citations)

• Médaille Coloniale

• Croix du Combattant Volontaire de la Résistance

• Distinguished Flying Cross (GB)

• Air Medal (USA)

 

 

 

Ressources 

 

  • Dossier GR 16 P au SHD de Vincennes 499677

 

  • L'Odyssée 1940-1945 des Français Libres du Havre. AAAFL 2017. Disponible à l'AMAC au Havre

 

  • •  [1] Ciel de Sable, Claude Raoul-Duval. France-Empire, Paris 1978
  • Trois extraits de "Ciel de Sable"  LIEN
  • Le groupe de chasse Alsace au Moyen-Orient. Claude Raoul-Duval à 01 minute 01
  • Portés disparus. Patrick Collet. Hemdal, 2014
  • [2]  L'évasion de Claude Raoul- Duval en 1943 Lien
  • L'étonnante épopée de Claude Raoul-Duval dans le ciel de Normandie Paris-Normandie  Lien
  • Mise au jour des restes du Spitfire IX BS548 dans le Marais Vernier en 2002 en présence de Claude Raoul-Duval Lien

Entretiens

  • Paroles de Compagnons Lien

 

  • Entretien pour le Point 2013 Lien
  • Entretien 2015 Le French Wing, en partenariat avec le Musée de l’Ordre de la Libération et avec les moyens techniques de TMTV, a recueilli les propos de Monsieur Claude Raoul-Duval, FAFL, pilote au sein du célèbre Groupe de Chasse Alsace et Compagnon de la Libération.
  • Entretien France Inter Lien
  • Le Livre d'Or des Français Libres LIEN