PRAUD André (1896-1986)   FNFL                     Marine marchande                                             La Zélée, l'Oiseau des îles, FNGB

Mémorial des FNFL

André PRAUD, né le 18 septembre 1896 à Nantes, avait fait son premier tour du monde à 16 ans sur le trois-mâts Michelet.

 

Ancien combattant de la grande guerre

Fusilier Marin en 1914, il avait été fait prisonnier par les Allemands s’était évadé, et fut plusieurs fois blessé après avoir repris le combat.

Rétabli,il s'était porté volontaire pour les Dardanelles, surle croiseur auxiliaire Lorraine, avait été gazé par l'hypérite et contaminé par le typhus. A nouveau hospitalisé, il avait profité de sa convalescence pour passer le brevet de Capitaine au long cours en 1918.

Après avoir commandé divers navires civils ou militaires, et navigué quelque temps pour la Compagnie Générale Transatlantique, il devint commandant en second du Rabelais pour un voyage de circumnavigation. Toutes ces années furent agrémentées de diverses aventures dignes des romans de Conrad, Melville ou Peisson.

 

Enseigne de vaisseau de 1e classe de réserve en Juillet 1933, c’est en 1936 qu’il arrive en Polynésie, où il commandait l’Oiseau des îles, de la Compagnie des phosphates d’Océanie, qui naviguait dans le Pacifique sud à partir de Papeete, son port d’attache.

 

 

André PRAUD est mobilisé à Tahiti en septembre 1939.

Au début de la guerre, il commande la goélette La Zélée avant de reprendre le commandement de l'Oiseau des îles.

 [1].

Témoignage 1940

"...Jean Gilbert était revenu de Fare Ute. Sa mission était accomplie, la Marine était neutralisée, mais le bilan serait tout de même lourd : en dehors même de Grange, qui se voulait « prisonnier du Gouvernement provisoire », ni le lieutenant de vaisseau Lahaye, ni l’ingénieur Hue n’avaient accepté de se rallier et leur défection allait entraîner celle de la plupart des officiers mariniers pilotes et mécaniciens. Seul officier rallié, le réserviste PRAUD continuerait à commander la Zélée.

Par contre la presque totalité des quartiers-maîtres et marins, aussi bien ceux de l’escadrille 8.S.5 que la relève du Dumont d’Urville, devaient suivre Gilbert avec enthousiasme..." 

A bord de la Zélée, Papeete, avril 1940. De gauche à droite : Lieutenant de Vaisseau J. Gilbert ; Commandant Brachet ; deux matelots tahitiens ; l’Enseigne Praud, commandant la Zélée ; le Lieutenant Billoque...

Suite au ralliement de la Polynésie à la France Libre en septembre 1940, André PRAUD s’engage dans les FFL deux mois plus tard, tandis que l’Oiseau des iles naviguera sous les couleurs FNFL à partir du 15 octobre 1941 [1].

Témoignage

" Le pilote était accompagné d’un homme chaleureux et intéressant, le commandant PRAUD. Pendant l’approche, à faible vitesse, du port de Papeete, on avait appris qu’il commandait L’Oiseau des îles. Ce nom charmant était porté par un trois mats en acier de quatre cents tonneaux, que le commandant PRAUD avait armé puis conduit dans le Pacifique en 1935.

Il était maintenant armé par la France Libre pour faire la liaison entre les îles. Il n’avait pas fallu longtemps pour apprendre cela, en quelques phrases échangées sur la passerelle, tandis que le quai se rapprochait. Le commandant Fourlinnie manœuvrait, ce qui laissait au midship le temps d’écouter ce nouveau personnage, dont le récit ajoutait au caractère féerique de l’aventure au bout du monde, modulé par les recommandations du pilote, métropolitain lui aussi, sur la mentalité attachante et légère des tahitiennes, le culte de l’amour libre, la nécessité de porter le casque colonial ou un chapeau de « pandanus », l’excellence de la nourriture, la sagesse et les dangers de vivre au loin de la civilisation, dans la béatitude tropicale" [3]

 (...)

"Il fut heureux d’apercevoir la figure joviale et sérieuse du commandant Praud qui, sur son « Oiseau des îles » était sans cesse en mer dans la vaste étendue marine, faisant la liaison entre les îles en ce qui concerne le personnel et les courriers importants pour le compte de la 147 Marine.

Le sympathique trois mâts-goélette, qu’il était bien dans l’atmosphère de cette Océanie, peuplée depuis si longtemps par ces maoris sur leurs grands radeaux à voile qui partaient vers l’inconnu en suivant les étoiles ! Qui aurait trouvé mieux ? Et qui, mieux que ce commandant, aurait pu le piloter dans la myriade d’archipels dont il semblait faire partie ? ".[3]

Le 23 janvier 1942, mouillé en rade de Papeete, l'Oiseau des îles manque de connaître une fin peu glorieuse. Convoqué dans la nuit par les autorités civiles et militaires à la base de Fare-Ute, le capitaine Praud est averti par le gouverneur de l'île qu'un croiseur allemand se dirige vers Tahiti, et que pour l'empêcher de pénétrer dans le port, il est indispensable de saborder le voilier au milieu de la grande passe, seule susceptible d'être empruntée par le bâtiment ennemi.

Indigné de voir avec quelle navrante désinvolture ces gens disposent de l'existence d'un navire, André Praud répond, en gardant avec peine son sang-froid: "Je m'oppose formellement à saborder mon voilier dans la passe de Papeete sur la seule teneur d'un renseignement qui n'a aucune valeur tant que son exactitude n'aura pas été vérifiée et confirmée. L'Oiseau des îles, seul navire de la colonie, n'a pas été armé en guerre pour être volontairement envoyé par le fond afin d'obstruer une passe, ce qui couperait Tahiti de toutes communications avec l'extérieur. Dans un conflit où le minage des côtes a été reconnu comme la protection la plus efficace en même temps que le danger le plus insidieux, il est vraisemblable qu'un croiseur allemand ne tentera pas de franchir une passe étroite dans l'ignorance où il se trouve qu'elle n'est pas minée."

Déstabilisées par la fermeté de ces propos d'une logique irréfutable, les autorités reculent et on tombe d'accord sur la tactique suivante: l'Oiseau des îles appareillera dès que possible et de nuit pour les îles Sous-le-Vent, afin de recueillir sur le supposé navire ennemi des renseignements complémentaires. Le 25 janvier, vers 2 heures du matin, sans aucun bruit, par nuit noire, la vaillante goélette armée double l'île de Mooréa. Le lendemain, vers 16 heures, l'Oiseau des Îles pénètre dans le lagon de Raiatea et accoste l'appontement. Après les palabres d'usage, les habitants affirment: "Non, aucune fumée, aucune mâture, aucune silhouette de quelque navire que ce soit, sinon vous!" A Huahine, distante d'une dizaine de milles, même étonnement et même absence de renseignements. Trinquette - ainsi les indigènes ont-ils surnommé le capitaine Praud- met alors le cap sur Bora-Bora, où il sait que des rades abris peuvent servir de caches, même pour de grands navires" [4]

Promu Lieutenant de vaisseau le 2 Février  1943, il reste affecté à Marine Tahiti jusqu'au Printemps 1944 quand il sert à Lonfres à l'Etat-major des Forces Navales en Grande-Bretagne (FNGB).

Il est démobilisé le 16 Juillet 1945.

 

Le Lieutenant de vaisseau (H) André PRAUD est officier de la Légion d'honneur (1958), médaillé militaire (1916), titulaire de la croix de guerre 14-18avec 1 citation, et médaille des Evadés.

Il est décédé au Havre à 94 ans, le 18 septembre 1986.

Ressources

 

Dossier Résistant au SHD de Vincennes (non consulté) : cote GR 16 P 490196

 

Mémorial des FNFL

 

[1] Quelques souvenirs de Tahiti de 1942 à 1945 (2e partie) 

Claude Lestrade LIEN

 

[2]  Tahiti  1940.  Émile de Curton. LIEN

 

[3]  Souvenirs d'un Marin de la France Libre. Georges Lapicque, Capitaine de frégate  LIEN

 

[4] L'Oiseau des îles, le dernier grand voilier Nantais LIEN