LE JORDE Jean (1922-1943) FNFL                     1er BFM                                                               Mort pour la France

Tous nos remerciements à Jean-Christophe ROUXEL

source : Maryse Lotode Le Hecho

Fils de Jean Marie Le Jorde et de Marie GUILLON, Jean Joseph LE JORDE est né au Havre le 15 janvier 1922.

 

Dans la nuit du 14 au 15 juillet 1940, huit jeunes gens partaient de la pointe de Kéroman (Lorient) sur la pinasse « Le Grec » à destination de Falmouth. Louis Bouter, mécanicien du chalutier, Pierre Thomas, l’un des anciens mécaniciens, et Georges Le Meur qui travaillait au port de pêche, avaient décidé l’expédition et convaincu cinq de leurs camarades Yvon Gouello, Robert Le Floch, Jean LE JORDE, Jean Le Pan et Frédéric Rio de se joindre à eux. Selon Roger Le Roux, une fois parvenus en Angleterre le 17 juillet, tous se seraient engagés dans les Forces Françaises Libres.

Le 18 juillet ils sont emmenés à Londres. Ils sont questionnés et indiquent les positions des batteries de D.C.A. dont une se trouve près du cimetière de Locmiquélic.

 

Récit recueilli en 1973 par Roger Le Roux auprès de Pierre Thomas * :

« Nous partons le 15 juillet 1940 à 5h 30, tous habillés en pêcheurs... « Le Grec » a le pavillon blanc en tête du mât. La mer est belle. Une sentinelle allemande allait et venait sur le quai, elle largue notre amarre et nous dit « Heil Hitler ! » .

Je prends la barre et Bouter est au moteur. Nous avons largement assez de mazout pour gagner l'Angleterre. En passant les coureaux de Groix, nous rencontrons un chalutier : il nous salue de deux petits coups de sifflet, je lui réponds. Dans l'après-midi nous sommes au large de Brest quand une brume assez légère descend sur la mer. Nous passons non loin d'un convoi anglais que des avions allemands bombardent et je vois trois bombes tomber sur un cargo.

Seuls les trois marins sont debout, les autres, qui n'ont jamais été en mer, sont malades. Le bateau marche à 8 noeuds. J'étais allé, avant la guerre, pêcher sur les côtes anglaises, j'oriente le bateau toujours au N.N.O. Trente six heures après avoir quitté Lorient, nous apercevons des dragueurs de mines. Je stoppe. Nous faisons tous semblant d'être en pêche, en nous affairant sur le pont. Ils passent tout près sans s'occuper de nous. Ce sont des Allemands qui trouvent normale notre présence en ces lieux avec notre pavillon blanc. Serions-nous donc près des îles anglo-normandes ? Je pousse maintenant un peu plus à l'ouest...

 

Le 17 juillet vers 8 ou 9h du matin, nous entendons un ronflement : un avion à cocardes vient tourner autour de nous, un anglais ! Il part. Nous voyons peu après un pêcheur sur un petit bateau. Il pêche des crustacés. La mer est belle et la brume, qui nous a protégés pendant la traversée, commence à se lever. L'homme, quand nous sommes tout près de lui, demande : « English ? — Non, Français ». Nous le faisons monter à bord après avoir pris son bateau en remorque et nous lui confions la barre. La brume levée, apparaît une grande falaise et deux heures plus tard nous arrivons dans une crique proche de Falmouth...

Le lendemain, on nous conduit à Londres. Nous sommes questionnés pendant une quinzaine de jours, de bureau en bureau « Où sont les Allemands ? Que font-ils ? » Nous disons ce que nous savons, j'indique les batteries de D.C.A., dont une qui se trouve près du cimetière de Locmiquélic, une à Larmor, etc.

On nous demande ensuite d'aller parler à nos compatriotes internés qui veulent rentrer en France. Nous allons d'abord au Cristal Palace. Je trouve là deux groisillons que j'ai connus quand j'étais mousse, mais ils ne pensent qu'à retourner auprès de leur femme et de leurs enfants. Certains nous invectivent, nous lancent des boîtes de conserves vides, des godasses, etc. Nous renouvelons notre démarche dans deux camps avec le même insuccès.

Ces hommes — dont l'internement n'est pas rigoureux puisqu'ils sont libres de sortir pendant plusieurs heures par jour et bien nourris — ne veulent rien entendre.

Nous nous rendons alors à l'Olympia, où se trouve le bureau des F.F.L, pour nous engager. On me demande si je veux retourner en France avec le bateau mais les opérations d'espionnage ne me tentent pas. Bouter et moi, nous irons dans la Marine. Personne n'accepte la proposition qu'on nous fait de changer de nom. Nous signons nos demandes d'engagement et nous partons pour un grand camp anglais, au sud de Londres, à trois heures de route.

De Gaulle et Muselier viennent passer une revue, serrent la main à tous. Un lieutenant leur explique que nous avons pris un bateau pour franchir la Manche. « C'est bien », dit le Général. »

 

Selon Roger Le Roux, la pinasse « Le Grec » rebaptisée « Rouanez Ar Peoc'h » aurait été retrouvée en novembre 1940 sans équipage en baie de Quiberon et un pêcheur l’aurait remorquée à la Trinité-sur-Mer. « A bord, dit l'ancien patron du « Grec » Le Corronc, tout était transformé, il y avait des cirés, des matelas, un matériel complet, un jeu de voiles tout neuf prouvant qu'il naviguait ». L'équipage s'était volatilisé.

Selon Roger Hugen ( voir son livre Par les nuits les plus longues p. 91) on aurait appris après la guerre que le bateau avait déposé à Port-Haliguen un agent des F.F.L. en mission, Jean Milon, fils du doyen de la Faculté des Sciences de Rennes. Une tempête étant survenue, « l'équipage fut contraint de laisser le navire à la dérive car personne à bord ne put lancer le moteur ». ( il paraît peu probable que les marins du Grec eussent été alors à bord ndlr).

Jean LE JORDE signe son engagement dans les FNFL le 25 aout 1940. Il sera affecté successivement  à la Marine Levant (Douala, Beyrouth du 25 aout 1940 au 20 mai 1942) , au 2ème Bataillon de Fusiliers Marins (jusqu'au 1er septembre 1942)  puis au 1er Bataillon de Fusiliers Marins jusqu'à son décès le 8 juin 1942. 

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Sur la photo de sa pièce prise en 1942 au 2e Bataillon de Fusiliers Marins,  Jean LE JORDE se trouve au premier plan  au centre.

 

Le quartier-maître Jean LE JORDE est décédé le 8 Juin 1943 en Tunisie, assassiné d'un coup de couteau reçu près du cœur (source : livre des morts du bataillon).

Emmené à l'hôpital britannique  de Sousse, il meurt le soir même à 19 heures.

Il a été reconnu Mort pour la France. 

Il fut inhumé au cimetière chrétien de Sousse* puis son corps fut rapartié au cimetière d'Arzon, auprès de  ses parents, dans le Morbihan.

 

Distinctions : Croix de Guerre, Médaille militaire, Légion d'honneur

 

* Il semble que ce cimetière ait été détruit entre 1993 et 1996, et ses sépultures transférées dans un nouveau cimetière sur la route Kalaa-Sghrira , dénommé "Les Cyprès"., selon les informations du site adept-tunisie..

 

Sources

 

Dossier  Résistant au SHD de Vincennes : cote  GR 16 P 358565

 

Biographie de Jean LE JORDE Lien

 

* Récit de Pierre Thomas sur le site Les amis de la Résistance du Morbihan  Lien