COURTEVILLE Jean (1920-2008) FNFL             Marine Marchande                                              Yacht Manou, cargos Gravelines,  Anadyr et Capo Olmo

Notice actualisée le 4 aout 2021 Tous nos remerciements à Jacques Omnes

Marins.fnfl.fr

 

Jean Camille Edouuard  COURTEVILLE est né à Sainte-Adresse le 21 Août 1920.

 

En 1938, il était élève à l'Ecole d'hydrographie du Havre. Fin 1939, l'école ferma en raison de la guerre et les élèves furent évacués vers Paimpol, où se trouvait une autre école nationale de navigation maritime.

 

Les 17 et 18 juin 1940, une foule importante de réfugiés et de militaires fuyant les troupes allemandes était arrivée à Paimpol. Sur les quais se trouvaient aussi les élèves de l'Ecole d'hydrographie de Paimpol, qui avaient reçu l'ordre de s'embarquer sur l'Albert Faroult, bateau pilote de Rouen, pour partir vers l'Angleterre le 18 juin à 17 heures. Mais un contre-ordre était intervenu à 16 heures et des officiers avaient interdit aux étudiants d'embarquer. C'est donc sans eux - à quelques exceptions près - que le bateau avait appareillé.

 

Dans la nuit du 18 au 19 juin, toutefois, d'autres bateaux étaient arrivés à Paimpol. Entre autres le yacht Manou, en provenance du Havre, mais avec un seul homme à bord. Le capitaine de la marine marchande Jean Le Deut décidait de trouver un équipage, et surtout un mécanicien, pour embarquer les élèves de l'Ecole d'hydrographie. Jean Eouzan, arrivé à Paimpol le matin même, très fatigué, accepta d'embarquer. Dans la soirée Jean Le Deut put alors appareiller pour Plymouth. Jean Courteville faisait partie des passagers. Le 20 juin à 10 heures, lManou jetait l'ancre en rade de Plymouth. Les passagers étaient débarqués. Seuls restèrent à bord Jean Le Deut et sept hommes, dont Jean COURTEVILLE, pour former l'équipage du yacht.

 

RECIT DE JEAN LE DEUT

Fuyant l’avance des troupes allemandes une foule considérable de réfugiés et de militaires arrivent à Paimpol durant les journées des 17 et 18 juin. Les quais sont encombrés de voitures, de camions, la population est fiévreuse.

Une quantité de navires, bateaux de pilotes du Havre, de Rouen, chalutiers, remorqueurs arrivent dans le port y amenant les administrations maritimes des grands ports du Nord avec leurs archives.

Parmi la foule, des jeunes gens s’agitent. Ce sont les élèves de l’École d’hydrographie ; ils ont reçu des ordres pour s’embarquer sur l’Albert Faroult, bateau pilote de Rouen qui doit partir le 18 juin à 17 heures avec tous ces étudiants.

Tout à coup, vers 16 heures, les ordres changent et des officiers en uniforme obligent ces jeunes gens à évacuer l’Albert Faroult. Quel désespoir parmi ces candidats. Cependant à 17 heures le Faroult appareille laissant les élèves sur les quais.

Dans la nuit du 18 au 19 d’autres navires arrivent à Paimpol, entre autres le yacht Manou en provenance du Havre avec un seul homme à son bord, Marcel Garel, originaire de Lannion, lui aussi F.N.F.L. de la première heure par la suite.

Le 19 au matin l’agitation recommence sur les quais. Que faire, peut-on rester prisonnier volontaire à 34 ans ? Il faut se décider, le Manou me tente, mais encore faut-il trouver un équipage, surtout un mécanicien.

Après toute une matinée de consultations l’équipage est trouvé. Le chef mécanicien M. Eouzan est arrivé à Paimpol le matin même venant de Dunkerque, il a parcouru la France par des moyens de fortune, il est très fatigué, malgré tout il me donne son accord.

Tout est prêt. Garel me certifie qu’il y a tout ce qu’il faut à bord, carburant, eau, vivres, etc. La publicité est faite près des élèves du cours d’Hydro et l’éclusier doit ouvrir les portes du bassin de 18 à 19 heures à l’heure de la pleine mer.

Les Allemands sont à Paimpol, il faut donc éviter d’ébruiter cet appareillage.

Puis ce sont les préparatifs, les adieux. Quitter tout, femme, enfants et partir à l’aventure. Quelles terribles heures d’attente. L’heure approche, la marée n’attend pas, il faut partir. Mon épouse m’accompagne jusqu’au navire. Sur les quais un tas de jeunes gens m’attendent.

« Est-ce bien vous le capitaine qui partez avec le Manou ? Nous voulons partir avec vous. »

« Soyez prêts, et lorsque vous me verrez sauter à bord, suivez-moi. »

Les écluses sont ouvertes. Pas une minute à perdre. En un clin d’œil le pont du yacht est noir de monde. Étudiants, quelques marins militaires, quelques jeunes journalistes de Rennes et deux femmes anglaises.

« Larguez partout – Arrière en route les deux moteurs. »

Bâbord part, tribord est en panne. Arrière en route bâbord. Le Manou décolle du quai. Avant en route bâbord, gouvernez dans le milieu des écluses. Le canot tribord n’est pas encore à poste. Qu’importe, en avant, en avant car déjà on s’apprête à nous fermer les écluses au nez.

Le Manou franchit le sas après quelques avaries causées à son côté tribord, canot écrasé, lisse et pavois faussés et brisés. Le navire gouverne très mal car le moteur tribord est toujours en panne.

Sur les jetées les gens s’interpellent. Ce sont encore des au revoir. Tout à coup, quelqu’un donne des ordres, la garde maritime. « Ne partez pas, vous n’avez pas le droit de partir, venez amarrer votre bateau ici. »

Rien ne nous retient, le Manou franchit les passes. Le maître d’équipage Jean Batard, un habitué du chenal, est à la barre et fait fonction de pilote.

Arrivé sur rade à 19 h 30 les deux moteurs sont en route. Après être clair des récifs de la côte, je mets le cap sur Plymouth.

Dans la nuit nous sommes arraisonnés par des navires de guerre britanniques : «Where are you bound to ? Where you come from ? »

Le 20 à 10 heures après une belle traversée sans incident le Manou jette l’ancre en rade de Plymouth. Après les formalités d’usage les passagers sont débarqués, seuls restent à bord sept hommes et moi-même pour former l’équipage du yacht.

J’ai su par la suite que tous les passagers du Manou avaient rejoint la France Libre.

Pendant les mois de juin et juillet nous sommes restés en rade de Plymouth. Puis certain jour, les autorités navales anglaises ont décidé de réquisitionner le Manou pour en faire un navire porte-ballon (défense contre avion). Nous l’avons conduit dans le port de Plymouth et nous avons assisté par la suite à son démâtage et à son dégréement complet : de la luxueuse goélette il ne reste plus qu’une coque nue.

Vers la mi-août, une partie de l’équipage, le deuxième capitaine Balara, les deux lieutenants Le Breton et Courteville ainsi que le matelot Losq sont appelés à Bristol par la France Libre, pour l’armement du s/s Gravelines. Puis c’est le tour du chef mécanicien Eouzan d’aller rejoindre le s/s Myson à Liverpool. Enfin, début septembre, je suis appelé à mon tour pour embarquer sur P.L.M. 27 à Glasgow avec le maître d’équipage Batard et le cuisinier Garel. Un équipage anglais nous remplace sur le Manou.

Après avoir passé les cinq années de guerre à Plymouth, Manou est revenu à Saint-Malo et a été vendu par la suite aux Argentins".

Jean LE DEUT

Capitaine de la marine marchande, commandant du yacht Manou

 

En juin et juillet, le bateau resta en rade de Plymouth. Puis il fut réquisitionné par les autorités navales anglaises pour en faire un navire porte-ballon qui participa à la défense contre avion.

Jean COURTEVILLE se trouva alors au service de la Royal Navy, mais il est considéré comme ayant rallié la marine marchande de la France libre le 1er juillet 1940.

A la fin du mois d'août 1940, le lieutenant Jean COURTEVILLE fut appelé à Bristol par la France libre pour participer à l'armement du cargo Gravelines comme 2ème lieutenant.

 

Le Gravelines - Copyright  marine-marchande.net

Le 16 mai 1941, le cargo appareille de Halifax (Canada), au sein du convoi HX127, avec un chargement de 1101 standards de bois. 

Le 31 mai 1941, alors que le Gravelines revenait du Canada avec un chargement de bois dans le convoi HX-127, il fut torpillé et coulé par le sous-marin allemand U-147 à 200 milles dans l'ouest de Glasgow. Le commandant Soulé et douze hommes d'équipages disparurent au cours de l'attaque. La partie avant est coulée au canon - la partie arrière est remorquée vers la Clyde  (1).

 

Après une brève période de convalescence à la maison de repos de Beaconsfield, Jean COURTEVILLE embarqua le 10 juillet 1941 comme lieutenant sur le cargo Anadyr.

 

Le navire fut torpillé et coulé par un sous-marin allemand au large de Récife le 6 mai 1944.

Blessé, Jean COURTEVILLE dériva pendant douze jours avant d'atteindre Pernambouc (Brésil). Il fut hospitalisé au Brésil puis transféré à Port of Spain Trinidad (Ile de la Trinité), New York, Glasgow et Londres.

 

Le cargo Anadyr - Archives J-F Dupont-Danican - Nicolas D.D.

 

L'enseigne de vaisseau Jean COURTEVILLE va vivre un second torpillage lorsque l'Anadyr  est attaqué le 6 mai 1944, torpillage dont  il a heureusement réchappé : 

 

Le cargo qui a appareillé de New York en Mars 1944, à destination de Trinidad, Le Cap, Port Elizabeth (RSA), et le golfe Persique, avec un chargement destiné à l'Union Soviétique, composé de 5 135 tonnes d'approvisionnements militaires et de matériels, plus 2 655 tonnes de marchandises diverses, navigue isolément, après la dispersion du convoi TJ30, à environ 600 milles dans le sud sud-est de Recife (BR). Il est torpillé et coulé par le sous-marin allemand U129 (EV1 Richard Von Harpe), par 10°55' S et 27°30' W, dans le carreau FK 67.

Quatre hommes d'équipage et deux canonniers sont tués.

Le commandant et sept survivants, qui ont pris place dans un canot de sauvetage, abordent à Porto de Galhinas, près de Recife après huit jours de mer et les trente-neuf autres rescapés, abordent à 20 milles au sud de Recife deux jours plus tard. (1)  

 

 

Ensuite, le 14 août 1944, Jean COURTEVILLE embarqua à Kingston-upon-Hull sur le cargo Capo Olmo, sur lequel il servit jusqu'au 20 avril 1945.

Ce cargo faisait partie des quatre navires marchands qui avaient décidé les premiers, spontanément, de poursuivre la lutte en ralliant Gibraltar en Juin 1940 : L'Anadyr, le Rhin, le Forbin et le Capo Olmo.

 

Col. Jean-François Dupont-Danican

 En 1947, Jean COURTEVILLE était domicilé à la Moranderie, au Mesnil Mauger dans le Calvados.

 

Il est décédé à Nice (06) le 30 avril 2008.

 

Il était titulaire de la Croix de guerre 39-45 et de l'Atlantic Star Medal. 

 

Matricules : Paimpol 25894, 303 Londres

N° carte d'identité FFL : 6983

 

N ° membre AFL : 18.537

Site Marins Fnfl.fr

SOURCES

 

Dossier Résistant au SHD de Vincennes (non consulté) : Cote GR 16 P 147 833

 

Marins.fnfl.fr 

 

L'exode du Yacht Manou par Jean le Deut. Revue de la France Libre n° 29, juin 1950. lien

 

Fiche d'admission dans l'Association des Français Libres, 1947  (AFL 18.537)

 

 

Fiches des cargos Gravelines et Anadyr sur le site Alamer LIEN