CATHERINE Auguste  FNFL (1903-1992)          Marine Marchande                                                Cargo Capo Olmo, cargo Indochinois, chalutier  Joseph Duhamel

Nos remerciements à la Délégation "Souvenir des Marins de la France Libre"

In Memoriam Auguste Catherine

 

"Il n’avait connu ni son père ni sa mère, enfant de l’Assistance publique qui l’avait confié à des fermiers aux environs de Fécamp en 1904, à l’âge de 10 mois. Pendant la grande guerre il logeait dans une écurie pour veiller sur quatre chevaux de labour pour un salaire de 5 frs par mois, dont la moitié pour le livret des caisses d’épargne.

Voici son enfance. La Marine le sauvera de cette médiocrité à laquelle il était promis, la Marine a été sa mère et l’a instruit, les marins ont été ses frères, ils le sont encore.   

 

En décembre 23, soutier à bord du Jules Ferry qui se trouve alors au Japon, au moment du tremblement de terre de Yokohama, il fait partie de ceux qui apportent leur aide aux sinistrés. Libéré en mars 1925, il opte pour la Marine Marchande et embarque comme corvetteur à bord du Paris sur la ligne de New York. Sa carrière est dès lors tracée, ses qualités d’endurance et d’opiniâtreté vont lui permettre de s’affirmer et de grimper, de gravir des échelons. En 1937, il est marié et navigue comme chef de quart dérogataire. L’année suivante, il profite de ses congés pour se soumettre aux examens de la marine marchande et c’est avec un brevet de mécanicien de 3e classe qu’il va être repris par la Royale, au moment de la pré-mobilisation de 1938. En 1939, la guerre est déclarée, il est à Marseille en réparations lorsque la débâcle arrive....

 

Le CAPO OLMO était un navire italien endommagé par son équipage au moment de tomber entre les mains de la Marine Française. Le second-maître CATHERINE fut embarqué sous les ordres du cdt Vuillemin pour le remettre en état, alors qu'il avait été pratiquement abandonné comme inutilisable. Ils quittent Marseille dans la nuit du 22 au 23 juin 1940. L’Armistice signé, il emmenait des militaires à destination de l'Afrique du Nord, faisant partie d'un convoi tous feux éteints.

 

Le cargo Capo Olmo (Copyright Fondation de la France Libre)

A l'heure des choix, des oppositions éclatent, c'est pénible. La détermination de quelques-uns en accord avec le cdt Vuillemin sauve le navire de l'inaction, et son équipage, de la honte. CATHERINE participa, dans toute la mesure de ses moyens au mouvement. Le navire ayant simulé une panne de machine stoppa et, abandonné par le convoi, mit le cap sur Gibraltar. Dix jours plus tard ce sera la remontée vers Liverpool et la prise en charge des Volontaires par les premières autorités  ralliées par le Général de GAULLE et l'Amiral Muselier.

C’est à bord de ce navire  que Catherine connut les débuts de la  France Libre  à DOUALA où  il recevra les félicitations du futur Amiral d'Argenlieu au nom du Général de Gaulle. 

Mais c’est surtout à bord du CAPO OLMO  et ensuite de l’INDOCHINOIS (en 1941) que notre camarade connut cette  vie que l'on a appelé la bataille de l'Atlantique.  Une trentaine de traversées dans les conditions que vous savez, mérite quelque respect.

 

CAPO OLMO : Le voyage Liverpool-Douala

Auguste CATHERINE : « à notre arrivée à Liverpool, début juillet 1940, j’ai été le seul homme à rester à bord tout le temps des opérations de débarquement de sa cargaison, au quai Alexandra Dock, et là, à côté, il y avait l’aviso Le Volontaire, de la marine nationale. Donc, j’ai été inscrit à bord, après le déchargement de la cargaison du Capo Olmo ; nous avons changé de quai, nous avons accosté à côté de Pier Hed. (excusez les noms anglais). Après un certain temps est embarqué à bord Monsieur Marcel CARON, second capitaine. Nous étions tous les deux pour la sécurité du navire pendant les bombardements ; les ouvriers anglais ont transformé le navire en transport de troupes ; toutes les cales à marchandise n’étaient rien que des couchettes superposées.

Le commandant et le chef mécanicien M. Desnot.  Le commandant Vuillemin refait son nouveau équipage pour partir à destination de Douala. Nous avions dans les cales les équipages pour les navires restés en Afrique et les militaires de la 2ème DFL. Commandant Thulot.

Départ de Liverpool en convois pour le voyage : une dizaine de navires en sortant du détroit pour contourner l’Irlande par le Nord ; nous sommes pris par le mauvais temps et laissons le convoi car on ne pouvait pas suivre. Une fois tout seul, on continuait la route. Un avion anglais est venu faire des signaux pour indiquer que le convoi était retourné à Glasgow. On a refait demi-tour, arrivés à Glasgow, le convoi était reparti. On est repartis..

Le commandant Vuillemin risque le tout pour le tout ; on continue. Mais le mauvais temps ne prenait pas fin. Par les emballements de la machine, l’écrou de la tige de la pompe à air s’est desserré et le fond de la (…)   a été en morceaux. Il a fallu démonter tout l’attelage, sortir la tige et refaire le filetage de l’écrou. Alors pour refaire le fond de la pompe à air, j’ai découpé une plaque de parquet, pour découper une rondelle ;  percé l’axe étant (…) en place, mis une cheville à travers l’écrou pour ne pas qu’il se desserre et nous sommes repartis en pleine mer pour être arrêté en face ou à la hauteur de Freetown par trois croiseurs Anglais ; après avoir arraisonné le Capo Olmo avec un (…)  au-dessus de la cheminée du Capo Olmo , 1 des croiseurs s’est mis devant, 1 sur le côté et l’autre derrière ; une chaloupe est venue contrôler le navire car le nom était resté sur la coque. Et nous sommes repartis jusqu’à Douala, après avoir continué notre route alimentés par les chaudières à l’eau de mer car la réserve d’eau potable ne servait que pour la nourriture. Nous avons eu le feu sur les tentes qui étaient tendues pour l’abri du soleil : elles ont pris feu avec les étincelles de ramonage.

La nuit, à l’arrivée à Douala, tout le monde a débarqué : commandant, chef mécanicien et les équipages et militaires. Je suis resté avec le second Capitaine et trois chauffeurs sénégalais qui avaient été embarqués à Marseille avec moi. Nous avons fait ce qu’il fallait pour remettre le navire et en état de marche après un mois, sur notre volonté de ne pas abandonner le navire.

J’ai fait un an à bord comme second mécanicien et à mon arrivée à Londres, j’ai eu quelques jours de congé et ai réembarqué sur l’Indochinois car il fallait des motorisés à cette époque. Les première classe étaient remplacés par des petits brevets.

Enfin, c’est du passé, mais nous avons gagné notre épopée ».(1)

En décembre 1940, les FFL cantonnés au Cameroun appareillèrent  pour rejoindre le front du Moyen-Orient qu'ils devaient gagner après plusieurs transbordements successifs.

 Jacques ROUMEGUERE évoque l'inconfort de la  traversée Douala-Freetown sur le Capo Olmo dans son carnet de bord "Diary 1940" :

 

"Lundi 17 février - Bilan : le fantomatique Capo Olmo est enfin arrivé, avancé ; nous partons cependant peut-être à la fin de la semaine...

Jeudi 20 février - Nous embarquons enfin sur le Capo Olmo. Vu le départ du quai du Touareg : marches, Marseillaise, femmes pleurant, encouragements patriotiques et énergiques de jeunes civils, tout y était…

Dimanche 2 mars - Arrivons en vue de Freetown après un voyage odieux sur un navire respirant l’inconfort malgré sa relative propreté. Gardes, phono, bridge, discussions, telle fut la vie à bord sous un ciel toujours clément. Frictions entre l’équipage et nous, mal servis, framboise et bière chaude à tous les repas. Tous heureux de passer sous peu sous contrôle anglais. Le port est encombré de transports et de pétroliers et la vue de cette forêt de mats que tachent en quelques endroits les tourelles des navires de guerre donnent une formidable sensation de force et de puissance qui nous a tous frappés.

 

Jeudi 5 mars - Dernier jour sur le Capo Olmo, à 4 heures cet après-midi nous allons bord à bord avec le Thysville, bateau belge, et embarquons. Confort jamais vu auparavant, nourriture ad hoc, amabilité et propreté : une chic croisière en perspective ».

Album du commandant Dupont-Danican (Copyright Nicolas Dupont-Danican)

 

L’INDOCHINOIS était un navire si rapide qu'on ne le confiait pas à un convoi, sa vitesse était son garant contre les sous-marins, garant cautionné par la Providence, mais il faut l'avouer avec un peu de présomption. L'Indochinois était armé d'un canon de 150 mm, deux mitrailleuses Brinda et 2 systèmes de fusées anti-aériennes, servis par l'AMBC de la Marine Nationale (1 Second-Maître et dix Matelots), c'était là toute sa défense.

 

Source : forummarine.forumactif.com

Les frondes de l'Indochinois

Auguste CATHERINE : « Embarqué en Juillet 1941. Nous faisions la ligne Liverpool-le Canada. Notre port était New-Brunswick. On chargeait de la viande et des munitions pour l’Angleterre. En cours de route en août 1941, nous avons reçu l’ordre de ravitailler la défense de l’île.

Le seul navire à pénétrer à la Valette, nous y sommes restés environ 40 heures, car la nuit, il n’y avait pas de lumière pour la question bombardements. Cela fait 50 années, il faut de la mémoire assez bonne pour se rappeler de cette époque. Nous sommes revenus par Alexandrie et nous avons été reçus à coups de jets d’eau.

En 1943, nous sommes rentrés dans une montagne en y laissant notre éperon du cochonnet qui était à l’avant de l’étrave, il est resté dans la montagne. Ne pouvant pas sortir seuls, on a eu recours à un remorqueur de haute mer, Canadien, avec la marée haute. Ils nous ont balancé d’un bord sur l’autre afin de sortir de notre échouage ; nous avons rallié Montréal où l’on a été sur un dock flottant en réparation.

En 1944, nous sortions du Saint-Laurent et on a eu un message que 4 sous-marins allemands étaient sur notre route, car le navire était repéré pour ses nombreux voyages ; et, marchant seul à 17 nœuds, de la sortie du Saint-Laurent, nous avons été sur Halifax, nous y sommes restés 4 heures en attendant les ordres du Commandor anglais qui devait partir vers minuit en convoi d’une cinquantaine de navires marchands. Le commandant de l’Indochinois a répondu « je repars de suite », on a eu un avion qui nous a fait des signaux en disant que nous n’étions pas sur notre route. A chaque voyage le commandant recevait un blâme par l’Amirauté anglaise, car on naviguait toujours en dehors de la route indiquée par les conférences avant le départ de chaque navire.

A moment de nos deux premiers voyages, nous avons changé notre hélice à trois palmes pour être remplacée par une hélice à quatre palmes, pour ne plus avoir les vibrations qui occasionnaient des ennuis au presse étoupe du tube (…) car il fallait stopper pour recharger la presse étoupe à l’arrière. C’est pour cela qu’une hélice à quatre palmes était mieux que celle d’origine à trois palmes » (2)

On aimerait redire ici, devant notre camarade ce qu'ont été nos inscrits Maritime dans cette Guerre. Lui-même, comme aussi le Général SIMON notre Président, ont souvent fait remarquer que ces enfants chéris de nos voisins Britanniques, n'ont droit en France qu'à un sourire de pitié : « Ah ces pauvres marins  de commerce. Marins Marchands ! » ai-je entendu dire, quels Marchands ? je vous le demande.

 

La bataille de l’ATLANTIQUE ce fut eux, mais aussi du PACIFIQUE, où s'illustra le Cdt Vuillemin sur le CAP DES PALMES.

Ils ont payé plus cher que tous les autres frères d'armes, les pertes furent considérables.

CATHERINE, grâce à la Providence, a survécu, nous aussi, Ensemble ayons une pensée pour nos camarades de Catherine qui n'ont pas eu cette chance, il est maintenant avec eux, au milieu de sa famille, la nôtre, pensez-y mes chers camarades, devant celui qui reste pour ceux de la jeune génération, avant tout, un exemple.

 

L’Association des Français Libres, les combattants volontaires de la Résistance, les Médaillé militaires venus saluer leur camarade Auguste CATHERINE, officier mécanicien de la Marine Marchande et ancien porte-drapeau, vous remercient du fond du coeur, en particulier Mr le représentant de l'Administrateur en Chef des Affaires Maritimes et tous les porte-drapeaux".

 

Le Président, Commandant Jean-François  DUPONT DANICAN 

ETATS DE SERVICE DE L'OFFICIER MECANCIEN A.CATHERINE

CP : Délégation "Souvenir des Marins de la France Libre" 

L'officier de Marine Marchande Auguste CATHERINE, décédé au Havre le 27 décembre 1992, est inhumé au cimetière Sainte-Marie. Sa sépulture, qu'il avait conçue de son vivant, est un véritable mémorial, située non loin de l'entrée du cimetière.

La Délégation FFL 76 Le Havre fleurit sa tombe chaque 1er novembre, en souvenir de tous les FFL du Havre.

 

Des citoyens, à travers l'appel lancé sur le Groupe Facebook "L'Odyssée France Libre du Havre ", ont participé à l'hiver 2017-2018 à la réfection de la stèle (consolidation) de Auguste Catherine. Qu'ils en soient ici chaleureusement  remerciés.

DETAILS DE LA SEPULTURE D'AUGUSTE CATHERINE

Ressources

 

  •  Souvenirs d'Auguste Catherine adressés en 1989 au Commandant Pierre Santarelli (Amicale des FNFL, Paris)

               - (1) Traversée Liverpool-Douala du Capo Olmo

               - (2) A bord de l'Indochinois. 

 

  • Dossier Résistant (non consulté) au SHD de Vincennes : cote GR 16 P 111860