ALLONIER Daniel  (1920-1942)  FNFL                Marine de Guerre  : Corvette Mimosa                  Mort pour la France

Source : Pierrick Prévost

Nos remerciements à Pierrick Prevost et Dominique Allonier

Daniel ALLONIER est né le 9 mai 1920 au Havre, d’un père alsacien et d’une mère lorraine .

Son cousin DOminique indique : "Si la Haute-Normandie avait déjà connu une première vague d’émigration alsacienne dès le début du 19ème siècle, la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Lorraine provoqua une nouvelle vague d’émigration notamment vers Elbeuf mais aussi vers Le Havre où mes arrières grands-parents et leurs trois fils s’installeront (mon grand-père, dernier de la fratrie, naîtra sur place). (1)

 

Il poursuit ses études au  Lycée de garçons (François 1er).

Elève officier de la marine marchande à Paris, il embarque en août 1939 sur le paquebot-mixte Oregon, puis sur le cargo Wyoming en novembre avant d’être promu 3ème lieutenant le 5 mars 1940.

Le 25 août, à son passage à Cristobal (Panama), il rallie la France Libre.

A son arrivée en Grande- Bretagne, il est promu aspirant le 2 octobre, suit un cours de torpilles sur le HMS Vernon en vue de son affectation sur le Bouclier. Il est finalement désigné pour la corvette Mimosa le 1er juin 1941, à bord de laquelle il est chargé des armes sous-marines.

La corvette assure la protection des convois alliés dans l'Atlantique nord et participe en décembre 1941 à la libération de Saint Pierre et Miquelon.

 

Daniel Allonier et le Commandant BIROT à bord de la corvette Mimosa

Copyright : Jean Dabin

 

Daniel ALLONIER est promu enseigne de vaisseau de 2e cl. le 1er octobre 1941.

Dans la nuit du 8 au 9 juin 1942, le Mimosa est à son poste sur l'arrière d’un convoi qui fait route à 8 nœuds en plein milieu de l'Atlantique. A minuit, l'aspirant Lamy monte prendre le quart que quitte l'enseigne de vaisseau ALLONIER. Ce dernier lui dit que pour le moment, la corvette étant en arrière de son poste, il a cessé les zigzags et qu'il fait tourner à un peu plus de 12 nœuds…

 

A 4 heures du matin, Mimosa est torpillé par le sous-marin allemand U- 124 au large de Terre-Neuve. Ses chaudières explosent et la corvette coule en quelques minutes.

Il n’y aura que quatre survivants sur les soixante-neuf hommes d’équipage. Daniel ALLONIER disparaît avec le quartier-mâitre du Havre Robert BRETON.

 

Monsieur Dabin :  " Mes liens avec la "Royale" m'ont procuré l'occasion en 1979 d'entrer en liaison avec l'un des quatre survivants du torpillage du Mimosa, l’officier de quart, aspirant Lamy. J'extrais deux passages de sa lettre :

 

« Après le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon, j'ai embarqué sur le Mimosa où était embarqué Allonier depuis plusieurs mois déjà. Nous avons donc navigué ensemble six mois, le Mimosa ayant été torpillé le 9 juin 1942 vers 1h du matin en plein milieu de l'Atlantique Nord. Au moment du torpillage j'étais officier de quart, ALLONIER se trouvait dans sa couchette. Nous avons reçu 2 torpilles sur l'arrière qui s'est immédiatement enfoncé. Nos dix grenades sous-marines amorcées ont explosé dès que l'arrière s'est trouvé sous l’eau, quelques-secondes après le torpillage. J'estime qu’une trentaine de personnes sur 69 se sont retrouvées à la mer dont ALLONIER. La rapidité avec laquelle le bateau a coulé par l'arrière n’a pas permis la mise à l'eau d'embarcations. L'explosion a projeté à la mer au moins un radeau et un filet. Moi, j'ai été récupéré par le radeau où se trouvaient deux quartiers-maitres. ALLONIER et l'officier en second se trouvaient sur le filet. Le radeau et le filet sont aperçus au lever du jour.

ALLONIER n'avait pas supporté le froid et était mort lorsque l'officier en second nous a ralliés sur notre radeau. Nous avons conservé Allonier avec nous jusqu’à notre repêchage vers 9h du matin par le destroyer canadien Assiniboin, le chef d'escorte. ALLONIER a été aussitôt inhumé en mer ».

« C'était un excellent camarade. Je peux affirmer qu’il était un marin remarquable et qu'une brillante carrière l'attendait dans la Marine. Vous pouvez de ma part faire savoir à sa sœur que je témoigne du courage de son frère, que ses qualités professionnelles et humaines lui avaient valu l'estime et l'amitié du Commandant, le Capitaine de Frégate Birot, des officiers et de tout l'équipage de la corvette Mimosa ». [2]

 

Michel Bertrand - « Pour ne pas couler, il (Vissian) passe un filin autour de son poignet. Il reste accroché au radeau par ce moyen de fortune. Il ne s'est pas écoulé plus de trois minutes depuis l'explosion de la première torpille. Le bruit d'une gigantesque succion fait tourner la tête de l'enseigne Vissian. L'étrave du Mimosa se dresse vers le ciel. Quelques secondes, elle reste ainsi suspendue, puis dans un dernier soubresaut d'agonie, s'engloutit dans le linceul de l'Océan.

Dans l'obscurité, Vissian entend un faible appel. Il saisit une main qui se tend et l'aide à saisir la bouée ; c'est le matelot Asdic Le Dizet bientôt rejoint par le timonier Varin. Ce dernier est épuisé. Son visage est couvert de mazout. Il est transi de froid. Vissian sent bientôt que la bouée s'allège. Le corps du matelot, qu'il tente de retenir, lui échappe et s'enfonce dans l'eau noire.

A demi suffoqué par l'eau mêlée de fuel qu'il vient d'avaler, dans ses efforts pour respirer librement, l'officier a la chance de trouver à ce moment un filet de liège auquel il se cramponne ainsi que Le Dizet, et l'enseigne de vaisseau ALLONIER qui les a rejoints. Il est à peu près 3h30. La mer maintenant est presque calme. L'aube point à l'horizon. Peut-être l'espoir.

Epuisé, Le Dizet perd connaissance. ALLONIER, saisi par la fièvre, se met à délirer. Vissian s'efforce de tenir la tête de son camarade hors de l'eau, mais malgré tout, l'enseigne avale encore un peu de ce liquide poisseux, mélangé de mazout. Il tient ALLONIER dans ses bras. Celui-ci prononce des paroles incompréhensibles. Un appel désespéré agrandit son regard clair. Daniel ALLONIER,  le grand enseigne blond qui plaisait tant aux filles de Greenock, va mourir. Vissian sent le corps de son ami se raidir dans un dernier sursaut. Il lâche ce corps glacé, immense, qui glisse dans l'eau et disparaît, repris par l'Océan. — Saloperie de guerre ! ».[3]

 

Monsieur Dabin  : « J'étais en classe avec sa sœur et j'ai assisté aux moments particulièrement éprouvants où ses parents ont reçu le télégramme de l'Amirauté britannique, relayé par les services de Vichy, dans lequel selon la formule hélas trop fréquente et devenue courante : on avait le regret de les informer que leur fils avait été "reported missing in action".

A l'époque aucun détail n'a été donné sur sa disparition et la famille n'a pratiquement rien su de la vie que menait Daniel Allonier entre le moment où il a rejoint les FNFL et celui de sa mort au combat. Monsieur Allonier père a été tué au Havre pendant les bombardements de septembre 1944, sous son pavillon sis allée Robert.

 

Madame Allonier, sa mère, s'est rendue en Angleterre après la libération, mais n’a pu recueillir que des renseignements fragmentaires sur le sort de son fils. Sa fille y est également allée en 1946 sans plus de résultats".

Corvette Mimosa (copyrght Fondation de la France Libre)

 

Mort pour la France, Daniel ALLONIER est fait chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume le 19 mars 1947 en même temps qu'il reçoit la croix de guerre 1939-45 avec 1 citation et la médaille de la Résistance.

 

Sa soeur, Paule, a épousé fin 1946 un Britannique dont elle avait fait la connaissance lors de la cérémonie d’inauguration du mémorial des Français Libres de Greenock en Ecosse ; sa fille aînée s’appellera Danielle.

 

Daniel Allonier ne figurait pas sur le monument aux morts du Havre mais son cousin germain, Dominique, a fait rectifier cet oubli. (1)

Juin 2018

Ressources

 

Livre d'Or des Français Libres Lien

 

Dossier Résistant au SHD de Vincennes : cote GR 16 P 9315

 

[1] Note biographique établie par son cousin germain Dominique Allonier.

 

[2] Témoignages et photos de Pierre Dabin, communiquées par Pierre Prévost, 2015.

 

 

[3] Les escorteurs de la France Libre, Michel Bertrand. Presses de la Cité, 1984