MAURIN Paul ( 1922- 2008)    FNFL                    Marine marchande : Paquebot Félix Roussel      Secteur Egypte, Marine Levant                  Marine de guerre : La Moqueuse

Paul Maurin en 1944 - Copyright Marcel Maurin

Nos remerciements à son fils, le Père Marcel Maurin pour la relation du parcours de Paul Maurin 

Paul MAURIN est né le 6 août 1922 à Besseges (30).

Après ses études il  trouve du travail à Marseille puis,  à  17 ans, en avril 1940, il embarque comme électricien sur un navire de la Compagnie des Messageries Maritimes.

 

Alors que le navire se trouve dans le port d’Alexandrie en juillet 1940, Paul MAURIN déserte avec quelques uns de ses camarades et se mettent sous la protection des Anglais.

 

Ce n’est que plus tard qu’il  eut connaissance de l’Appel du Général de Gaulle. Du fait de sa désertion il fut condamné en France à trois mois d’emprisonnement.

 

Le 16 juillet 1940, il embarquait à Suez sur le paquebot Félix Roussel, alors géré par la compagnie civile  British Brother , sous commandement anglais et basé à Bombay.

Les rotations se faisaient surtout entre Bombay et Suez : transport de troupes britanniques, australiennes et néo-zélandaises appelées à combattre en Afrique et, au retour, de prisonniers italiens transférés en Inde.

 

Il navigue aussi entre l’Afrique du Sud, l’Australie et l’Asie. En février 1942, Paul MAURIN va partager aves les membres d'équipage les évènements dramatiques que  son navire,  le dernier à quitter le port de Singapour, va vivre deux jours avant sa prise par les Japonais.

 

Le Félix Roussel - Copyright Forum.netmarine.net

Témoignage sur la conduite héroïque du paquebot Félix Roussel à Singapour

 

" Depuis quelque temps déjà, le Félix Roussel, passé sous commandement anglais, continuait à transporter des troupes et opérait dans les eaux équatoriales du sud des mers de Chine et de l’océan Indien. L’avance victorieuse des Japonais dans le Sud-Est asiatique obligeait au renforcement des points stratégiques de ces régions, convoités par l’ennemi.

Le 5 février 1942, le Félix Roussel intègre un convoi de quatre navires faiblement escorté qui faisait route vers Singapour, venant de la Malaisie orientale, avec à son bord, un fort contingent de soldats anglais qui devait débarquer en renfort à Singapour. Leurs officiers avaient fait placer sur le pont supérieur du navire un remarquable dispositif de tir antiaérien comprenant un nombre considérable de mitrailleuses.

Les navires du convoi se trouvaient aux approches de Singapour. Beau temps des tropiques. L’Empress of India, navire plus important que le Félix Roussel, n’avait point à son bord une défense en rapport avec son très fort tonnage. Mais personne ne s’attendait à subir l’attaque en règle qui allait se déclencher.

Les veilleurs, alertés par un vrombissement léger, en informèrent les passerelles respectives. Le bruit des avions très rapidement s’amplifia, et l’on put bientôt voir une forte formation d’avions japonais se dirigeant droit sur le convoi. On en compta 27.

L’alerte donnée, on vit nos mitrailleurs se précipiter à leurs postes. Très vite, ils commencèrent à ouvrir un feu nourri sur les avions volant à faible altitude. Tirant rafales sur rafales, ce fut bientôt un feu d’enfer, que ce barrage épais et efficace, activé par les courageux servants, dressait au-dessus du navire contre les attaquants.

Sous la concentration de leurs tirs, deux avions japonais furent mortellement atteints et tombèrent à la mer.

Sur la passerelle, le capitaine, bon manœuvrier, essaya, par des changements d’allure et de route, d’esquiver les bombes qui lui étaient destinées. Si quelques-unes tombèrent à l’eau, deux atteignirent simultanément et avec grand fracas le navire, traversant les deux ponts supérieurs, près des cheminées, et tuant cinq soldats.

De ces deux impacts avait jailli une grande gerbe de flamme et de fumée. L’équipe d’incendie accourut. Le feu qui s’était déclaré put heureusement et assez rapidement être maîtrisé. Les avaries du Félix-Roussel ne mirent en cause ni la bonne marche des moteurs, ni la gouverne normale. Il put reprendre sa route après le passage de la tornade meurtrière ennemie.

Moins heureux, l’Empress of India fut la cible idéale sur laquelle s’acharnèrent les assaillants. Plusieurs bombes l’atteignirent. Le feu gagna rapidement tout le navire, il brûla comme une torche. Heureusement il put évacuer tous ses occupants avant de s’engloutir dans la mer, sous les yeux de l’équipage du Félix Roussel, encore sous l’émotion du péril récent qu’il venait d’affronter. Dans la soirée, les cinq dépouilles des victimes du combat furent immergées, non loin du port, dans le recueillement et l’affliction de tous.

A la nuit, le Félix Roussel put accoster le quai, partiellement bombardé également, par l’escadrille ennemie des récentes heures. Lentement, dans le black-out, les soldats silencieux quittèrent le navire pour débarquer sur cette terre lointaine, déjà inhospitalière, en sauveurs anxieux, car incertains sur le sort qui les attendait.

Apeurée, la population de Singapour commençait à évacuer la ville. Nombreuses furent les familles* qui embarquèrent à bord pour fuir les coups des envahisseurs. Et quand, plein de réfugiés, le Félix Roussel appareilla pour les Indes, il fut un des derniers navires à pouvoir terminer cette difficile mission, sans nouvel incident.

Les deux belles citations décernées au Félix Roussel étaient parfaitement méritées : Citations à l’ordre de l’armée de mer avec attribution de la croix de guerre avec palme » [1].

* Un millier

Le Félix Roussel en 1946 - Copyright Forum.netmarine.net

 

Agé maintenant de 21 ans, Paul MAURIN décide d’effectuer son service militaire et de s’engager dans les Forces Françaises Libres. De Bombay il rejoint Suez où il s’engage dans les FNFL le 27 avril 1943 pour la durée des hostilités.

Il rejoint alors Beyrouth par le train. Il y  effectue des classes rapides et est affecté à l’entretien et à la réparation des navires, en particulier à la base sous-marine. 

PAUL MAURIN postule pour embarquer sur un sous-marin, mais, début 1944, c’est sur l’aviso-escorteur la Moqueuse qu’il est affecté comme électricien.

Ils sont environ 60 hommes à bord sous commandement français, en liaison avec le commandement des Forces Alliées. 

La Moqueuse - Copyright Fondation de la France Libre

 

La Moqueuse fait alors partie des navires qui escortent et protègent les bateaux transportant des troupes et assurant le ravitaillement des ports de la Méditerranée - Port-Saïd, Haïfa, Chypre, Alger, le Golfe Persique, et du sud de la Russie par les Dardanelles.

Les convois avançaient de nuit et restaient à l’abri des attaques des sous-marins dans un port.

Le mot d’ordre était de rester en convoi, ne pas se détourner pour secourir un navire en détresse touché par un sous-marin et en perdition...

Parmi les souvenirs de Paul MAURIN : la Moqueuse avait quitté Bassora* de nuit, avec une forte brume, donc une visibilité presque nulle. La perte de sa chaîne d’ancre lui causa une avarie et donc une perte de temps, tandis que les autres navires continuaient leur route.

La Moqueuse se retrouva donc seule pour passer le détroit d’Ormuz, où patrouillaient en général des sous-marins allemands, mais elle put se sortir indemne de ce fort mauvais pas !…

* Aujourd’hui en Irak.

Durant l’été 1944 le navire se rend en Italie pour le débarquement en Provence. Les navires basés en Méditerranée ont été regroupés dans le golfe de Tarente (sud de l’Italie). C’était une véritable Armada de 300 à 400 navires. Après une attente de 5 ou 6 jours tous ont repris la mer vers la France.

Durant l’été 1944 le navire se rend en Italie pour le débarquement en Provence. Les navires basés en Méditerranée ont été regroupés dans le golfe de Tarente (sud de l’Italie). C’était une véritable Armada de 300 à 400 navires. Après une attente de 5 ou 6 jours tous ont repris la mer vers la France.

Les avisos escortaient les navires « landing craft » transportant les troupes de la 1ère Armée.

2 h du matin : mouillage au large de Cavalaire le 15 août 1944

3 h 30 : bombardement aérien sur Toulon et la côte.

4 h 30 : calme plat : aucune action de la part des navires.

5h 30 : les canons des avisos escorteurs et des bombardiers entrent en action, couvrant ainsi le débarquement des troupes. Celui-ci terminé, les navires reprennent la mer.

Les équipages ont  pu apercevoir les côtes françaises...

Le 28 août Toulon et Marseille étaient libérées. Quelques jours plus tard La Moqueuse  mouillait dans le port de Marseille et les marins pouvaient enfin fouler le sol français pour la première fois depuis 4 ans.

 

Paul MAURIN a continué de naviguer en Méditerranée jusqu’à sa démobilisation le 15 octobre 1945.

 

Après guerre, il  alterné des temps de navigation et des périodes de travail en région parisienne.

De 1949 à 1951 il s’est installé au Havre pour naviguer avec la Compagnie Martin. Sur le navire Le Guinée il faisait la rotation Le Havre - Dakar en un mois, transportant à l’aller des produits fabriqués et au retour des bananes.

 

Il a ensuite repris des études et passé le concours de Professeur Mécanicien des Ecoles de la Marine Marchande. Nommé d’abord à Nantes, il est ensuite arrivé au Havre pour l’inauguration de l’école de Sainte-Adresse en octobre 1961. Il est demeuré au Havre jusqu’à sa retraite en 1978.

Il est décédé en 2008.

 

Paul Maurin en 1977 - Copyright Marcel Maurin

 Ressources

 

Dossier Résistant au SHD de Vincennes (non consulté) : cote GR 16 P 405890 (même nom de famille, mais sans date ni lieu de naissance).

 

Matricules : Marseille 41017IP, 14011 FN43

 

[1] Extrait du carnet de notes de l’ex-commandant du Félix-Roussel, J. Deffez in : Revue de la France Libre, n° 195, mars-avril 1972