DUBUC Pierre Paul Marie (1920-1944)

Réseau SSMF-TR (1943)                                            Déporté Mort pour la France (1944)

1ère DFL Bataillon d'Infanterie de Marine (1941-1943) :  non confirmé

Mémorial national de l'Assdn à Ramatuelle (Var) - Grandsudinsolite.fr

 

    Pierre Dubuc est né à Sainte Adresse le 22 juin 1920 dans une famille de 10 enfants dont il est le second.

Au début de la guerre 1939-1945, il a 19 ans et exerce la profession de comptable.

 

Selon le référencement FFL d'Henri Ecochard (1), il se serait engagé  au sein du Bataillon d'Infanterie de Marine au cours de la guerre de Syrie en 1941 et aurait participé avec son unité à la Bataille de Bir Hakeim en mai-juin 1942.

Nous mettons ces informations au conditionnel car son dossier GR16P conservé au Shd de Vincennes ne mentionne pas cet engagement.   

 

Selon sa biographie sur le side de l'ASSDN, il  intègre le  3 juin 1943la Sécurité militaire à Alger comme radio (alias Christian Marc). ll  est homologué agent P2 pour le Réseau SSMF/TR à compter du 23 décembre 1943.

 

Le lieutenant colonel Lafont attestera (3) qu'il a rendu à son chef de poste des services très appréciés : "chargé du transport du courrier et de maintenir le lien avec les postes voisins, s'est acquitté de ses missions à l'entière satisfaction de ses chefs. A toujours fait preuve de calme et de sang-froid, même au cours de périodes difficiles".

Il participe à l'opération des 23 et 27 octobre où il est débarqué du sous-marin Perle au large de Toulon. (4)

Au cours de ses missions, il fournit des informations précieuses sur la Gestapo et la Milice.

 

Il sera arrêté  5 mois plus tard, le 24 - ou le 26 avril 1944 - à Paris, en même temps que d'autres agents du service. 

 

Elie Rous, alias Serra, chef de la mission Baden-Savoie , alors en mission dans le sud de la France,  apprend la nouvelle dont il informe par télégramme Alger et Barcelone (2) :

'Venons d'apprendre de source sure arrestations le 26 en gare de Montparnasse par Gestapo : Toto, Larva, Heusch, Dubuc..."

 

Il poursuit : " Je ne pouvais effacer de ma mémoire le visage enfantin de ce cher Dubuc - le môme - que nous appelions tour à tout Christian et Marc - mon ami et coéquipier, prototype du jeune gosse de France, intelligent, subtil, railleur, qui s'était vieilli de deux ans pour entrer dans nos services. Je le revoyais transportant sur son porte-bagages la dinde de Noël à Vic, chapardant un vélo aux Fritz, et s'installant ostensiblement avec sa valise qui dissimulait un poste, au milieu des officiers nazis, dans un wagon réservé aux troupes d'occupation, el les saluant d'un retentissant Heil Hitler. Il ne saurait jamais qu'un télégramme d'Alger venait de nous apprendre sa nomination au grade de sous-lieutenant.

J'avais encore sous les yeux ce message d'El Biar qui donnait son accord pour son transfert de Baden Savoie à Larca à Marseille. Je me souvenais comme il avait insisté malgré mon avis pour effectuer la liaison d'Avallard avec Paris. S'il était resté avec nous, sans doute serait-il encore vivant..."

 

Un des compagnons de détention de Pierre Dubuc, Alexandre Le Douguet (Mission Joie), témoignera de leur départ pour  Compiègne et de leur calvaire :

 

" Nous partons pour Compiègne (5). Dès l'installation dans le car, les exclamations fusent : Bonjour Fanfan, Mercier, Dubuc...

Le service semblait s'être donné rendez-vous. Il y avait là  Charles Belet, Mercier, Denhaene, Rousselin, Dubuc, Caubet, De Peich, Fanfan (Le Henaff) et moi.

Par chance, nous arrivons à Royallieu la veille du départ d'un convoi, ce qui nous faisait passer quinze jours à passer là.

Ces quinze jours ont été inoubliables pour tous. Le temps était beau et il n'y avait rien à faire. Nous passions nos après-midis étendus sur l'herbe, lisant un livre de la bibliothèque.

Mais les quinze jours délicieux eurent une fin.

Le 2 juillet au matin, parmi 2166 détenus - 536 d'entre eux mourront dans les wagons la plupart entre le 2 et le 3 septembre, nous embarquions dans ce trop célèbre train qui sera appelé plus tard "le train de la mort".

Nous avions réussi, malgré l'appel par ordre alphabétique, à nous réunir à nouveau et nous étions tous dans le même wagon. 

Dès l'installation nous nous rendîmes compte que le voyage ne serait pas de tout repos. Nous étions cent dans le même wagon et seules deux petites ouvertures nous aéraient.

Le train démarre à midi. Nous nous installons tant bien ue mal, encastrés les uns dans les autres. Il fait chaud.

Vers quinze heures, l'atmosphère devient irrespirable.

Nous nous aspergeons d'eau mutuellement pour avoir une illusion de fraicheur. Beaucoup se lèvent pour se dégourdir un peu, d'autres somnolent.

Le train avance trop lentement pour créer un courant d'air.

A 17 heures un orage formidable plane sur nous. Personne ne dit mot, nous sommes tous accablés par cette chaleur. On entend des respirations haletantes. Je pense à mes narines.

Charles et à un mètre de moi, assis. Il a un chapelet à la main et il prie à voix basse. De temps en temps il regarde chacun de nous, un sourire sur sa face ruisselante de sueur. "ça va ?" Oui, ça va lui répond-t-on ; puis c'est un autre qui pose la question, puis un autre.

Le nombre des dormeurs augmente. Ceux qui ne dorment pas, comme moi, sont déjà inconscients de ce qui se passe. Je ne reprendrai le contrôle de moi-même que vers onze heures ou minuit.

Je touche un camarade. Il est tout chaud, trop chaud pour que ce soit normal. A tâtons dans l'obscurité, je cherche sa tête. Il ne respire plus. Une peur irraisonnée s'empare de moi.

J'appelle à voix basse puis plus fort : Charles, Fanfan ? Enfin j'entends Mercier et je réalise. Ils sont morts en dormant, apshyxiés par la production de  gaz nocifs.

Nous essayons de nous compter mais jusqu'au lendemain matin, c'est impossible.

Je m'endors brisé. Le lendemain, le spectacle est terrible. 

Combien sont-ils appuyés les uns contre les autres, et qui ne se réveilleront plus. Combien restent vivants ?

Trente-six sont debouts, soixante-quatre sont là et qu'il faut dégager, ranger dans un coin, pour que les autres essaient de vivre.

Dans l'après-midi nous nous arrêtons près de Revigny-sur-Ornain, près de Bar-le-Duc. Il nous faut alors prendre les cadavres du wagon d'à côté et les mettre dans le nôtre.

Puis nous repartons à cent dans les wagons rendus libres.

Jusqu'à Dachau, nos amis, nos camarades de lutte sont là, à côté.

Puis nous descendons, abandonnant ce train et toutes ses victimes en gare.

Que sont-ils devenus ? Nous restions deux du service : Mercier et moi."

 

Pierre DUBUC est un de ceux qui sont morts  le 2 juillet.

 

Il sera déclaré Mort pour la France.

 

Distinctions à titre posthume : Médaille de la Résistance française (1947) - Chevalier de la Légion d'Honneur (1959) - Médaille Militaire et une citation.

 

Sn nom est gravé sur le Mémorial national de Ramatuelle, dédié aux membres des services spéciaux Morts pour la France au cours de la seconde guerre mondiale (6)

 

RESSOURCES

 

1- Dossier Résistant au SHD de Vincennes (consulté)  GR 16 P 195335 (archives I. Duhamel)

2 - Journal de marche de Elly Rous, chef de la mission Baden-Savoie Lien

3 - Page biographique de Pierre Dubuc sur le site des Anciens des Services Spéciaux de la Défense Nationale Lien

4 - Récit de l'opération du 23 et du 27 octobre 1943 avec le sous-marin Perle Lien

5 - Source du récit : Bulletin de l'ASSSDN n° 124 : page 10 ; n° 1 , page 27

6 - Présentation des hommes dont les noms  sont gravés sur le Mémorial national de Ramatuelle dans le Var Lien

 

Photographies du Mémorial national sur le site grandsudinsolite.fr

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