Réseau Turma-Vengeance (Résistance intérieure)

L’histoire du mouvement de Résistance Vengeance (Zone occupée) débute en décembre 1940 sous l’impulsion du docteur Victor DUPONT.

Il lance les bases d’un réseau de renseignement affilié au service de renseignement de l’armée de l’air (SR Air) replié à Vichy après l’armistice. Pour franchir la ligne de démarcation, il sollicite l’aide de son ami le docteur Raymond CHANEL, de Nevers, qui avait créé une filière d’évasions vers la Zone libre dès l’été 1940, amorce de ce qui deviendra Évasion-Vengeance.

Enfin, des petites équipes de sabotage SNCF, nommées Corps Francs SNCF, forment les premiers noyaux de la partie action du mouvement appelée Corps Francs Vengeance (ou plus tard Action-Vengeance) sous les ordres du docteur François WETTERWALD.

 

Le docteur Victor DUPONT- François WETTERWALD

 

Vengeance est donc dès l’origine un mouvement à trois volets : renseignement, évasion et action, missions souvent menées de front par les mêmes personnes lors des semaines et mois de lancement, mais qui, dès 1941, se développeront séparément pour aboutir, à l’automne 1943, à un mouvement bien structuré et fort d’une trentaine de milliers d’hommes.

 

À la tête de Vengeance, un comité directeur clandestin prend les grandes décisions. Il regroupe les principaux responsables des différentes missions.

 

- Évasion

 

Pour la raison essentielle de sa répartition géographique, Vengeance ne développe pas une filière nationale structurée comme, par exemple, la Ligne Comète. En revanche, Évasion-Vengeance regroupe tout un ensemble de petites équipes spécialisées :

 

o passage de la ligne de démarcation ;

 

o hébergement et convoyage des aviateurs alliés ;

 

o fabrication de faux papiers ;

 

o convoyage vers l’Espagne, passage vers l’Angleterre à partir de plusieurs ports bretons.

 

- Renseignement


Sous la direction de Vic DUPONT, le réseau travaille d’abord pour le SR Air. Après l’invasion de la Zone libre (novembre 1942), il se rattache au BCRA de Londres et reçoit le nom de Turma sous lequel il sera désormais connu. Doté d’une centrale qui trie, contrôle, codifie et transmet les renseignements recueillis, Turma-Vengeance est articulé principalement en six sous-réseaux : Arc en Ciel (le plus nombreux), Le Foc, Pierre 2, Dominique, Noé et Ulysse. Les Allemands réussiront à introduire des agents dans Arc en Ciel et à décapiter ainsi Turma (octobre 1943).

 

- Action

Commandés par WETTERWALD, les Corps Francs Vengeance forment la part la plus nombreuse du mouvement. Sous l’autorité des chefs régionaux et départementaux, ils regroupent des hommes qui doivent, dans la clandestinité, se former au maniement d’armes, recueillir les parachutages, créer des stocks d’explosif, de carburant, de matériel. Malgré les arrestations parfois massives qui les frappent, ils sauront s’intégrer dans les FFI et participer aux combats de la libération.

 

Vengeance sait innover en créant une Section spéciale d’action immédiate, sorte de commando chargé de la protection des chefs lors des réunions importantes, de l’exécution des traîtres, du vol de tickets d’alimentation dans les mairies ou de voitures allemandes, des coups de main sur les installations particulières, etc.

 

Par ailleurs le mouvement reste le seul à avoir créé une École des cadres à Cerisy-Belle-Étoile (61) dispensant (toujours clandestinement) à une quarantaine d’officiers et d’agents de liaison les rudiments militaires techniques et tactiques indispensables à leurs fonctions.

 

Dès la fin 1943, Vengeance est décapité par une vague d’arrestations opérées par la Gestapo, aidée par quelques traîtres et des agents infiltrés. Toutes les régions sont touchées, et nombre de dépôts d’armes sont découverts. Mais l’impulsion donnée anime jusqu’aux rangs subalternes, au sein des petites équipes de base qui continuent l’action clandestine et passent sous contrôle des FFI pour les combats de la libération. Beaucoup s’engagent dans l’armée et poursuivent le combat jusqu’en Allemagne.

 

Mouvement apolitique (qui n’a même pas une « section civile » ou un bureau de presse) entièrement tourné vers la lutte contre l’occupant, Vengeance est écarté sèchement des récompenses de la Victoire et voit les autres mouvements de Résistance, moins nombreux, plus récents, mais tous politisés, accaparer les honneurs et les devants de la scène politique.

 

Malgré sa reconnaissance rapide comme réseau des Forces Françaises Combattantes (JO du 16 novembre 1946) et de la Résistance Intérieure Française (JO du 21 février 1948), Vengeance ne peut que déplorer ce détournement de la Résistance mais garde comme un trésor souvent jalousé, la fierté d’une aventure à la fois exemplaire et modeste, et surtout chèrement payée par près de 600 morts.

 

Marc Chantran

 

 

En savoir plus

 

Site internet Turma-Vengeance (Marc Chantran)

Les Français Libres de Turma-Vengeance (Note historique de Marc Chantran)

Bernard Chevignard, Compagnon de la Libération